4/24/2012

LA FRANC-MACONNERIE A POUR PERES ENOCH ET ELIE


A LA GLOIRE DU GRAND ARCHITECTE DE TOUS LES MONDES

VENRABLE MAITRRE

ET VOUS TOUS MES FRERES EN VOS DEGRES GRADES ET QUALITES


 " LA  FRANC-MACONNERIE A POUR PERES  ENOCH ET  ELIE"


Cette affirmation de CAGLIOSTRO en son Rituel  mérite que l'on s'interroge sur le sens  spirituel donné à cette assertion, sans nous attarder pour autant sur les indications rapportées par celui qui fut le fondateur des Rites Egyptiens.


Chrétien, CAGLIOSTRO l'est, n'en déplaise aux tenants d'une Maçonnerie

a-dogmatique et libérale, ou de ceux qui croiraient percevoir en lui un occultiste, de ce fait, comme cela va être exposé, en énonçant que tout à la fois ENOCH et ELIE sont les Pères de la Franc- Maçonnerie, CAGLIOSTRO va nous permettre de rappeler ce que doit être la Franc- Maçonnerie  de Tradition qui s'oppose à cette vision moderne et erronée qui présente le maçon comme un être libre dans une loge libre.

 Non, il y  des Devoirs résultant d'une Conscience née d'une discipline qui prend sa source dans ce qui constitue précisément les bases de la Franc Maçonnerie de Tradition.

 I

Qu'il me soit permis d'ouvrir préalablement une parenthèse.

 La F M a-dogmatique et libérale a inventé tardivement le mythe de la mort d'Hiram. Si le roi de Tyr envoya à David des  charpentiers et des tailleurs de pierre pour construire une maison pour David (II Samuel V, 11), si par ailleurs "Hiram acheva tout l'ouvrage qu'il devait faire pour le roi Salomon dans la Maison du SEIGNEUR (I Rois, VII, 40) que par voie de conséquence en remerciement Hiram, roi de Tyr, se fit donner par le roi Salomon vingt villes du pays de Galilée., il s'avère qu'Hiram sortit de Tyr pour voir les villes que Salomon lui avait données, mais elles ne lui plurent pas. (I Rois IX, 11, 12), il écherra de noter que d'une part en nul endroit il n'est parlé de la mort d'Hiram que par ailleurs Hiram refusera des villes de Galilée, de cette Galilée où s'incarnera Dieu fait homme.

 Alors que la première apparition de la Légende d'Hiram dans le cadre d'un catéchisme s'avère provenir de Samuel PICHARD en 1730 en son opuscule La maçonnerie disséquée (1), il n'en demeure pas mois que c'est Anderson qui dès 1723 évoque Hiram sans y joindre alors la légende partagée par tant de francs- maçons, lorsque dans le cadre des Anciens Devoirs, le Manuscrit  GRAHAM de 1726 propose une vision toute différente, préférant évoquer NOE plutôt qu'HIRAM.

Ainsi, ayant préalablement rappelé qu'aucune construction ne peut se maintenir avant l'Incarnation du Christ sans la Foi et la prière, il est fait état du relèvement du corps non pas d'HIRAM mais de NOE par ses trois fils : " Ils arrivèrent donc à la tombe et ne trouvèrent rien, si ce n'est le cadavre déjà presque entièrement corrompu. Ils saisirent un doigt qui se détacha et ainsi de suite de jointure en jointure jusqu'au poignet et au coude. Alors, ils redressèrent le corps et le soutinrent en se plaçant avec lui pied contre pied, genou contre genou, poitrine contre poitrine, joue contre joue et main dans le dos, et s'écrièrent : "Aide-nous, 0 Père ! ". Comme s'ils avaient dit : " 0 Père du ciel aide-nous à présent, car notre père terrestre ne le peut pas ". Ils reposèrent ensuite le cadavre, ne sachant que faire. L'un d'eux dit alors : "Il y a encore de la moëlle dans cet os",et le second dit : "mais c'est un os sec " ; et le troisième dit : "il pue" . Ils 'accordèrent alors pour donner à cela un nom qui est encore connu de la Franc- Maçonnerie de nos jours."  (2)

Ce qui importera de souligner, quand bien même relativement au redressement du corps qu'il s'agisse d'HIRAM ou de NOE, aucune référence scripturaire ne confirme ces faits, ce qui importe donc c'est de percevoir la différence entre Hiram qui ne se rattache à aucune spiritualité ni aucun lien avec Dieu, et NOE par qui une Alliance est confirmée par l'arc en ciel (Genèse IX, 12-17), NOE tout à la fois sauvé (Hébreux XI, 7) et prémisse du Salut (Sagesse XIV, 6).

 Il est bien deux Maçonneries, l'Ancienne Maçonnerie dite de Tradition à laquelle se rattache l'Ordre de Lyon, et la nouvelle Maçonnerie a-dogmatique et libérale promue par ANDERSON : CAGLIOSTRO pour sa part, se rattache à la Maçonnerie de Tradition.
 
N'oublions pas ces deux mots souventes fois rappelés dans le Manuscrit GRAHAM : FOI et PRIERE !

II
Il échet que nous revenions à Enoch et Elie.
 
Alors que les légendes attachées à NOE et HIRAM portent sur le relèvement de leur corps, par des mains d'hommes,

 ENOCH et ELIE partagent un tout autre relèvement, il s'agit d'un enlèvement, non pas opéré par l'homme, mais venant de Dieu.

" Hénoch marcha avec Dieu; puis il ne fut plus, parce que Dieu le prit."  (Genèse, V, 24) Le motif à ce choix nous est donné dans l'Ecclésiastique XLIV, 16 : "Hénoch fut agréable au Seigneur, et il a été transporté, exemple de pénitence pour les générations" et l'Apôtre l'atteste, Hénoch avait plu à Dieu :" "C'est par la foi qu'Énoch fut enlevé pour qu'il ne vît point la mort, et qu'il ne parut plus parce que Dieu l'avait enlevé; car, avant son enlèvement, il avait reçu le témoignage qu'il était agréable à Dieu." (Hébreux XI, 5).

 Plaire à Dieu...

 " et voici qu'un char de feu et des chevaux de feu les séparèrent l'un de l'autre, et Elie monta au ciel dans un tourbillon."  (II Rois, II, 11) Elie aura une triple mission énoncée en I Rois XIX, 9-18 et, principalement s'opposer à l'idolâtrie, et l'Apôtre nous rappelle cette plainte d'Elie en I Rois XIX, 10 : " Ne savez-vous pas ce que l'Écriture rapporte d'Élie, comment il adresse à Dieu cette plainte contre Israël:  Seigneur, ils ont tué tes prophètes, ils ont renversé tes autels; je suis resté moi seul, et ils cherchent à m'ôter la vie?" (Romains XI, 2, 3)
 
Annihiler l'idolâtrie ...

 Annihiler l'idolâtrie, se débarrassant des idoles, de Baal, du Veau d'or, pour ne plus que chercher à plaire à Dieu, Dieu unique et invisible jusqu'à ce que, par l'Incarnation, Il se rende visible où alors l'adoration des Mages, comme le soulignera PELADAN signifie l'abdication des ésotérismes devant l'Incarnation de la Vérité (3).

 Plaire à Dieu !
 
Je ne serrai pas  parjure à un Serment maçonnique si je dis seulement qu'à un certain stade de notre cheminement, il nous est rappelé qu'il nous échet de :
 
-"Rendre hommage à la Divinité dans son cœur, dans son âme et dans son esprit.

- "Proclamer Sa Gloire par des actes."

 Mais avant de prétendre proclamer la Gloire de Dieu par des actes, alors que par Jésus+Christ nous sommes déjà sauvés, il nous revient de reconnaître la Grâce qui nous est faite en disant avec le Christ Jésus : "Abba, Père, toutes choses te sont possibles, éloigne de moi cette coupe! Toutefois, non pas ce que je veux, mais ce que tu veux." (Marc XIV, 36).

La Grâce qui nous est faite : "Dieu a envoyé dans nos cœurs l'Esprit de son Fils, lequel crie: Abba! Père !" (Galates  IV, 6). Cette Grâce qu'il nous convient de tenter de comprendre, - il est tant de Grâces offertes par Dieu -, dès lors que nous l'associons à cette mystérieuse parole de Jésus+Christ  rappelée il y a peu d'instants par Marc où le Sauveur associe à l'exclamation Abba Père, la présence de cette coupe emplie de tous nos péchés, et par cette coupe, la souffrance morale de notre refus provisoire de Dieu, cette Grâce liée à la Gloire, passe par une souffrance, aussi l'Apôtre ne manque -t-il pas de rappeler : "J'estime que les souffrances du temps présent ne sauraient être comparées à la gloire à venir qui sera révélée pour nous." (Romains VIII, 18).

Cette Grâce qui nous est faite, se manifeste selon deux périodes :
 
- l'acceptation de suivre les Evangiles, c'est-à-dire suivre le Christ et prendre sa croix dès maintenant,
 - la récompense de la Gloire à venir, dès lors que tout sera restauré dans le Christ.
 
Pour Irénée de Lyon, la Gloire n'interviendra que lors de ce qu'avec la Tradition j'aime nommer le 8° Jour, qui pour ce Père est le 7° Jour, ainsi déclare-t-il : "ce septième jour est le septième millénaire, celui du royaume des justes, dans lequel ils s'exerceront à l'incorruptibilité, après qu'aura été renouvelée la création pour ceux qui auront été gardés dans ce but. C'est ce que confesse l'apôtre Paul, lorsqu'il dit que la création sera libérée de l'esclavage de la corruption pour avoir part à la liberté glorieuse des enfants de Dieu."  (4)
 
Mais les prémisses de cette Gloire ne peuvent-ils être déjà manifestés dans le cadre de notre actuel pèlerinage terrestre ? A Gethsémani notre Seigneur en Son dialogue avec le Père ne déclare-tr-il pas  : " Je leur ai donné la gloire que tu m'as donnée, afin qu'ils soient un comme nous sommes un."  (Jean XVII, 22).

 Clément d'Alexandrie souligne : "Une compréhension intelligente suite de près la foi. 'Père des hommes et des dieux', s'écrie aussi Homère, quoi qu'il ne sache pas quel est le Père, ni comment il est Père. Mais de même qu'il est naturel aux mains de saisir, à l'œil qui n'est pas malade de voir la lumière, de même quiconque a reçu la foi possède la faculté de participer à la connaissance, pourvu qu'il veuille tailler l'or, l'argent, les pierres précieuses, et bâtir sur les fondements qu'il a posés. Il ne dit point : Je participerai un jour : il commence à participer. Il ne remet point sa gloire aux chances de l'avenir : roi lumineux, gnostique, il l'est déjà." (5)

Il convient de participer déjà à la Gloire de Dieu.

 Ainsi, comme l'explique Irénée : "Enoch, pour avoir plu à Dieu, fut transféré en son corps même en lequel il avait plu à Dieu, préfigurant ainsi le transfert des justes. Elie aussi fut enlevé tel qu'il se trouvait dans la substance de sa chair modelée, prophétisant par là l'enlèvement des hommes spirituels."  (6)



Pour Irénée, ENOCH et ELIE annoncent la résurrection dans le Royaume, mais pas seulement, ils bénéficient d'une anticipation face au 8° Jour parce qu'ils agirent selon le souhait de Dieu, dès lors ils participèrent à la Gloire du Père.

 III
Il convient de replacer ces rappels dans le catéchisme de CAGLIOSTRO.

Selon la version que nous étudions, à la question : " Quel moyen faut-il employer pour obtenir cette grâce de Dieu?", il est répondu :  " En l'adorant, en respectant son souverain et surtout en se consacrant au bonheur et au soulagement de son prochain, la charité étant le premier devoir d'un philosophe et l'œuvre la plus agréable à la Divinité. À cette conduite, il faut y joindre des prières ferventes." (7)

 Sur les motifs de l'engagements que devra prendre le Maçon, CAGLIOSTRO précise : " ce serment ne consiste que dans la promesse d'adorer Dieu, de respecter votre souverain et d'aider votre prochain. Vous serez obligé de plus de promettre personnellement à votre maître de lui obéir aveuglément, de ne jamais passer les bornes qu'il vous aura prescrites, de ne jamais avoir l'indiscrétion de demander la connaissance des choses purement curieuses, enfin de vous soumettre à ne jamais travailler que pour la gloire de Dieu et pour l'avantage de son souverain et de son prochain." ((8)
 
Si le terme " Grâce" apparait souvent dans ce catéchisme, la Gloire qui vient d'être évoquée l'est tout autant et pour asseoir s'il était besoin cette importance liée à la conscience  de la Gloire présente comme l'est d'ailleurs la Grâce dans le Rituel de CAGLIOSTRO, qu'il me soit permis une dernière citation à cet égard,

d'autant plus importante que je l'extraie du Rituel de réception à la Maîtrise, de cette Maçonnerie Egyptienne où il fallait déjà être Maître Maçon dans un autre Rite pour prétendre être admis comme Apprenti : "À l'ordre, mes frères. Au nom du Grand Copte, notre fondateur, cherchons à agir et à travailler pour la gloire de Dieu, de qui nous tenons la sagesse, la force et le pouvoir et tâchons d'obtenir sa protection et sa miséricorde, pour nous, pour les souverains et pour notre prochain. Joignez vos prières aux miennes pour implorer en ma faveur son secours et les lumières qui me sont nécessaires." (9)
 
CAGLIOSTRO a parfaitement raison de donner à la Franc- Maçonnerie, ENOCH et ELIE comme Pères : ils travaillaient à la plus grande gloire de Dieu !

IV
La F M doit demeurer une voie rendant Gloire à Dieu !

 Mes Bien Aimés Frères,

 Pour sa part, l'Ordre de Lyon est fidèle aux Anciens Devoirs, à l'Ancienne Maçonnerie, qui était résolument Chrétienne,  lors de votre Affiliation il vous fut rappelé que notre Rite ne pouvait être suivi que par un observateur fidèle des usages anciens, et l'on vous fit lecture d’un extrait des « Règles et Devoirs de l'Ordre des Francs-Maçons du Royaume de France » l’Ordre de Lyon se référant à la version française la plus ancienne, datant de 1735 remises en novembre 1737 au baron de Scheffer à l'effet de constituer des Loges dans le Royaume de Suède.

Chrétien ! Il est de fait que les œuvres priment sur la Foi come le rappelle ORIGENE en son Entretien avec Héraclide (10), de la sorte être Chrétien serrait idéalement tout à la fois professer la Foi en la résurrection de NSJ+C et aimer son prochain, mais l'amour du prochain seul face çà une foi de   Pharisien fera du Publicain un Chrétien plus proche de Dieu que ne le serait un grand prêtre du Sanhédrin.

 Notre Maître en Maçonnerie, Constant CHEVILLON, a souhaité dans son bel ouvrage Le vrai visage de la Franc- Maçonnerie rappeler, face aux dérives de notre auguste fraternité (provoquées par la révolution Andersonienne, le pensons-nous et comme exposé en d'autres travaux) que cette école méritait le nom d'école de vertu dès lors qu'elle expose (et oblige oserais-je dire) l'initié à une ascèse. Aucune ascèse ne se fait sans douleur. Aussi notre Très Illustre Frère précisait-il : " Pour infuser une vie nouvelle, une vie expansive, dans le corps anémié de la maçonnerie, il ne suffit pas de procéder par des exhortations qui seraient, selon le texte de l’Ecriture : Vox clamantis in deserto, la voix dans le désert. Il faut descendre dans l’arène, montrer à tous, les gestes précis de la lutte, les gestes de la victoire. Il faut restituer les assises et les coordonnées de la voie triomphale des réalisations, dont le début s’annonce dans la voie douloureuse de l’ascèse individuelle ; car personne ne peut connaître les gloires de l’ascension sans avoir gravi, d’abord, le Golgotha."  (11)

 Quel travail ascétique nous revient-il d'entreprendre, de faire ?

 Si CAGLIOSTRO pour sa part joint aux prières, les bonnes actions en faveur de notre prochain qui n'est pas obligatoirement notre Frère ou notre Sœur en Maçonnerie, mais l'Autre, tous les Autres, il accomplit le rappel donné par ORIGENE à la suite de l'enseignement des Evangiles que résumera s'il était besoin l'Apôtre (II Pierre, III, 11, 12), ce choix d'action s'oppose à l'égoïsme, nous oblige à nous oublier nous-mêmes, nous mentirions à prétendre que la voie ainsi choisie n'est pas douloureuse,  du moins en ses débuts ou durant un temps pouvant se prolonger, mais nous aurons peut-être en partage de prendre un jour conscience que cette voie est Joie.

 Cette conscience, résulte d'une réciprocité entre le Don offert et la Grâce reçue, nous entrerons peut-être alors dans l'antichambre de La Présence,  et  pourra résonner en notre cœur cette exclamation de l'Apôtre : "ce n'est plus moi qui vis, mais le Christ qui vit en moi." (Galates II, 20)
 
La Présence du Christ Jésus, l'adhésion à l'Evangile, conduisent naturellement celui qui aurait pu être aux prises avec des idoles, à prendre conscience qu'il s'agissait de mirages, d'illusions, comme pourrait l'autoriser la confusion suggérée par une  Maçonnerie Libre et a-dogmatique où tout serait équivalent : en matière de Religion cela ne peut être, puisque l'Alliance entre Dieu et Sa créature doit être manifeste et non présumée. L'Apôtre nous met en garde : "si Christ n'est pas ressuscité, notre prédication est vide et vide aussi votre foi"  (I Cor. XV, 14).

 Ainsi que le rappelle l'Apôtre : "N'éteignez pas l'Esprit" (I Thes. V, 19), saint Séraphim de Sarov  explique à Motovilov que le but du christianisme demeure l'acquisition du Saint Esprit : "C'est donc dans l'acquisition de cet Esprit de Dieu que consiste le vrai but de notre vie chrétienne, tandis que la prière, les veilles, le jeûne, l'aumône et les autres actions vertueuses faits au Nom du Christ, ne sont que des moyens pour l'acquérir."  (12)

Avant que l'impétrant ne pénètre dans le Temple, en vue de son initiation, le Grand Expert lui rappelle : "Il est presque toujours nécessaire à l’âme humaine, enténébrée, qu’elle soit assistée d’une intervention providentielle, d’une prédestination occulte et mystérieuse, pour qu’elle retrouve le chemin de sa liberté première"

 Par Sa résurrection, Jésus+Christ nous a délivré du joug de notre chute, Il a accepté de laver par avance tous les clichés du Désespoir, alors qu'Il ne doutait pas, alors qu'Il n'avait pas à trébucher, il demanda que cette coupe s'éloigna de Lui, Il tomba par trois fois pour nous permettre de trébucher tel le reniement de Pierre, Il exprima le sentiment d'abandon exorcisant par avance nos éventuels doutes, désespoirs et chutes, dans et par Sa chair en complément à Sa Passion que l'on oublie trop comme étant cette Nuit de Gethsémani, Passion morale plus intense sans nul doute que la Passion physique, importante certes, puisqu'elle permet la victoire sur la mort conséquence du péché.

 "nul être de Désir ne saurait entrer ou demeurer au sein de l'Ordre, s'il ne se trouve aidé par la Grâce, être Chrétien selon la Tradition de la Franc-Maçonnerie et des Anciens Devoirs, sa Foi l'engageant à se placer sous la protection du Sublime Architecte des Mondes et à pratiquer l'Evangile." est-il déclaré par l'Ordre de Lyon.

 Si donc l'être de Désir, notre Frère, Notre Sœur, nous- même, sommes fidèles aux Devoirs de l'Evangile, non seulement nous le serons envers l'Ancienne Maçonnerie, mais parce que nos actions rendrons Gloire à Dieu, sans être ni HENOCH, ni ELIE, mais de simples êtres de Désir, nous comprendrons pourquoi CAGLIOSTRO place ces prophètes comme les pères de notre auguste fraternité.


J'ai dit V M.



NOTES

 1 - Samuel PICHARD La maçonnerie disséquée  Londres, aux trois fleurs de lys  Ed, 1730, page 20 de l'édition traduite et commentée,  utilisée et retransmise sur le groupe Yahoo de l'Ordre de Lyon (Dossier Rituels et autres Documents). Par ailleurs sur Internet.

 2 - Le texte se trouve sur le site de l'Ordre : Bibliothèque >>> Règlements et Anciens Devoirs

 3 - Joséphin PELADAN L'occultisme contemporain, Nlle éd par nos soins in Œuvres choisies, Le formes du secret Ed, 1979, page 69 

4- Irénée de Lyon Contre les hérésies V, 36, 3. Nous usons de l'éditions du Cerf en un volume, Paris 1984, page 678.
Sur la numérologie, les temps  et symboles de l'Apocalypse de Jean, hors du sujet de notre présente réflexion - Irénée évoquant des millénaires -, dans l'attente de  notre édition critique de La clé historique de l'Apocalypse de l'abbé LACURIA, citons une première approche, celle du Bienheureux HOLHAUSER Interprétation de l'Apocalypse renfermant l'historie des sept âges de l'Eglise Catholique Paris, Louis VIVES Ed, 1872.

5 - Clément d'Alexandrie  Stromates VI, 17. Nous utilisions la version proposée sur Internet par le site  de Philippe :  http://remacle.org/index2.htm. Par ailleurs une version "moins poétique" :  SC N° 446, Stromates VI, 17, § 151, 4 et 152, 1, Paris, Cerf  Ed, 1999, pages 365 et 367.

6 - Irénée de Lyon, op. cité, V, 5,1. page 580.

 7 - CAGLIOSTRO Rituel  de la Haute Maçonnerie Egyptienne Bibliothèque de Lyon, Ms 8871, page 13 de notre adaptation Word.

 8- id. page 19.

 9 - id. page 23.

10 - ORIGENE Entretien avec Héraclide 8-16 à 10-20, SC N° 67, Paris, Cerf Ed, 1960, pages 73 à 77.

 11 - Constant CHEVILLON Le vrai visage de la Franc- Maçonnerie Prolégomènes. nombreuses éd, dont sur Internet et notre site. nous utilisions une version Word.

 12 - Séraphim de SAROV Entretien avec Motovilov,  § l'acquisition du Saint Esprit, in SERAPHIM DE SAROV, DDB Ed, coll. Théophanie, 1979, page 157






4/07/2012

LA PAQUE de PARSIFAL Joséphin PELADAN

 I
Depuis  le  jour béni   où Parsifal rapporta la. sainte lance,   la chevalerie  du Graal  prospérait.
La  protection céleste favorisait  les  entreprises,  même loin­taines  et hasardeuses   :   on ne  comptait  plus  par chevauchées mais par prouesses   (I).
Le  vieux Gurnemanz,   en mourant,   avait  emporté   jusqu'au sou­venir des  tristes   jours  où les  gardiens de l'insigne relique,  mor­nes  et  découragés,  vécurent  en anachorètes,   chacun  se nourrissant d'herbes  et  de  racines   qu'il  trouvait. On ne  prononça plus  le nom du terrible adversaire  qui,   dressant burg contre burg,  avait  por­té de  si   grands coups  à la milice  sacrée,
Des  chevaliers,   traversant la campagne vers  la zone des païens,   avaient vu,   de loin,   les  remparts  du château magique dé­mantelé t  Il leur était défendu d'approcher de ce  roc maudit où tant de leurs  prédécesseurs tombèrent aux maléfices des filles-fleurs .
(I)     On  sait  au moins  par le chef-d'oeuvre de Wagner, que Parsi­fal incarne le  plus haut idéal  du chevalier chrétien.  Si  l'oeuvre de Chrestien de  Troyes  avait  été  vulgarisée comme  celle de Théroulde, " Perceval le Gallois" l'emporterait  sur Roland dans notre imagination nationale :  car "  le  pur ingénu initié  par la charité  " est un  saint  en même temps  qu'un héros  et  l'or du nimbe sur  sa tête  se mêle à l'éclat du heaume.
Le  saint Graal  est  le calice  de la Sainte Cène, où Joseph d'Arimathie  recueillit  le  précieux  sang des   plaies  du Sauveur. Un ordre de  chevaliers moines  fut  fondé   pour garder et adorer l'insigne relique. Klingsor   homme impur tenta, à la façon d'Origène,   de  se  rendre digne d'entrer dans  la sainte milice ;  repous­sé  il  se voua au diable,   construisit un burg non loin de Montsalvat,   tendit des  embûches aux  chevaliers, et grâce aux filles-fleurs  en séduisit beaucoup.  Le  grand Maître du Graal, Amfortas, s'arma de la sainte lance  et attaqua Klingsor,  il  tomba aux bras de Kundry,  (type  de  l1éternel féminin aux multiples métamorphoses)   qui  fait le bien ou le mal  suivant  qu'elle subit l'ascendant du graal ou celui de Klingsor,
Seul, le  pur, qui  résisterait  à la séduction de Kundry et des filles-fleurs,   pouvait  reconquérir la sainte lance,   guérir la plaie d'Amfortas  et ramener la bénédiction céleste  sur Montsalvat.  Parsifal,  quoique chevalier et valeureux,  ne frappe  pas, comme un Roland, il  sauve, il  purifie  par le prodigieux effet de  sa pureté et  de sa charité ; il n'y a rien de  contraire à  sa figure toute  évangélique  à lui  attribuer le voeu de sauver même Klingsor.


Klingsor avait-il  rendu son âne  perverse à son maître Satan ou était-il  passé,   en païennie,  honteux de  sa défaite ?

Plus  rien n'attesta l'exigence du mage noir  pendant les  cin­quante années  glorieuses du nouveau règne.

Le  fils  d'Herzeleide,   au bout  de  ce temps, ressemblait à Titurel :  quoique  fort  et  actif,  sa longue barbe blanche  en fai­sait  un vieillard.  Une- inexplicable mélancolie marquait  son front; On le voyait  souvent  se  promener  seul, avec  des   gestes  découra­gés .

"Celui   qui  vit dans   la grâce  du Seigneur  peut-il  être triste  ?"   se  disaient  entre  eux:  les  chevaliers.

Un vendredi   saint,; le  cinquantième de son  pontificat,  Parsifal  sortit  du burg,   dès  l'aube.

A  cet  anniversaire de   sa vocation,  il allait à l'aventure, parlant  d'une  voix  douce aux  fleurs, aux  arbres  ;  et revenait  le visage  recueilli et  souriant, comme  si  la nature avait répondu à ses  paroles  d'amour.

Cette  fois,  il  s'attarda  jusqu'au crépuscule  et lorsqu'il rentra,  sa haute  taille redressée  exprimait la résolution.  Il  fit seller son  cheval.

-       " Où vas-tu,  maître?  " demanda l'écuyer.

-       " là ..où, seul  je dois aller  ".

-       "  Permets   que   quelques-uns  t'accompagnent  pour te faire hon­neur  et compagnie,   sinon  secours. "

Il  refusa d'un mouvement  des  paupières,   s'éleva en  selle avec une  vigueur  surprenante et  partit à franc  étrier,   du coté de la païennie.

Toute  la nuit il  chevaucha.

l'aurore lui montra burg maudit  perché  sur le roc, comme une  aire.   Son  cheval  harassé  monta au pas  la rampe  caillouteu­se-, A mesure  qu'il  approchait,   le  château magique  révélait  sa ruine,   l'herbe verdissait  le  créneau abandonné.

Le  pont-levis  était abaissé,  Parsifal  entra dans  la cour aux dalles brisées   :  il  chercha les  vestiges  du  jardin enchan­té  où les  filles-fleurs l'avaient  entraîné  dans  leur ronde.

A la place du bosquet où lui apparut Kundry l'inconscien­te, un énorme buisson projetait ses branches épineuses. Quel­ques serviteurs accourus contemplaient peureusement ce cheva­lier au manteau rouge qui semblait un roi. A un signe de l'in­connu, ils vinrent lui tenir l'étrier: d'un pas ferme, le grand maître du Graal se dirigea vers la .tour des Maléfices ; il  en monta les marches  et  poussa du pied, la lourde  porte.

Un grognement l'accueillit, un cri de bête  jaillit de l'om­bre  et,  stridente,  une voix cria   :

-   " Satan,  immonde fascinateur,   stupide  ennemi,   tu viens m'exaspérer sous des  traits  exécrés. Imposteur, impuissant, qui. n'a pas tenu tes promesses, tu réappa­rais sous la forme de Parsifal, pour m'irriter. Vraiment on t'ap­pelle le Malin,  tien à tort. Je croirais plutôt à la visite de la Vierge qu'à la présence de l'élu du Graal.,. Infernal comédien, reprends ton vrai visage.. n'usurpe pas plus longtemps la ressem­blance du héros qui t'a vaincu, avec moi, plus que moi !"

Parsifal commença à distinguer dans la pénombre, au milieu d'un amoncellement de manuscrits et d'instruments bizarres, une forme humaine lourde et lente  et qui s'agitait, comme un mons­trueux crapaud s'efforce à  sauter.

II passa le seuil : ses éperons l'argent rendirent un son clair. La voix d'eunuque glapit :

-   " Satan, tu m'exaspères !  Prends garde, je possède un fouet magique et qui te fera hurler..... Quand je brandis la sainte lance contre le pur fol, la lanière de cuir se détacha de la hampe et resta dans ma main,.. La voici et je te forcerai 0 reprendre ta forme de singe.

Roulant sur ses courtes jambes, il vint frapper Parsifal à l'épaule, sur la colombe éployée brodée en or ; et la broderie étincela au choc.

Il y eu un silence, le sorcier cessa de respirer ;  c'était bien son ennemi et non le diable qui le visitait. Il se précipita vers la porte, en poussa les lourds verrous, malgré leur rouille, et éclata d1un rire strident, d'un rire d'enfer où les crépite­ments do la haine se confondaient avec le sifflement de l'asthme,

Le roi du Graal, très las, s'était assis sur un escabeau. Il promena un regard de pitié et de dégoût sur les vains outils do la magie et le puéril amas d'antiques parchemins, sans souci de Klingsor qui se tenait derrière lui, le poignard levé, calculant peur le bien frapper entre les épaules.

-   " Ecoute ! " dit l'élu, sans se retourner A ce dédain du péril, le sorcier se troubla, hésitant. Une curiosité irrésistible, plus forte que la rage, s'empara de lui. Pour que le roi du Graal vint a lui, il fallait, le prodige d'un intérêt plus grand que la terre, d'un intérêt engageant le ciel et l'enfer.

Coeur ulcéré et capable de tout le mal, Klingsor était un mé­ditatif et un savant : il pesa sa vengeance et le mystère de cette visite ; et il préféra la pénétration de ce mystère. Entre la mort du pur et sa parole, il opta pour celle-là, et jetant son arme, II regagna son fauteuil de cuir. Alors, le successeur d'Amfortas vit son adversaire en face. Il était hideux : sa monstrueuse obésité l'animalisait ; ses petits yeux, noyés dans une mauvaise graisse, brillaient seuls d'un éclat fébrile.

Il cria :

-        " Fol,   toujours  fol,  même  en ta vieillesse,   tu reviens ici ?  Ici où  je  t'attirai   par mes  enchantements  ; ici     je  te livrai  aux filles-fleurs  ; ici    j'ouvris  devant  toi  les  terribles  bras  de Kundry  ;  ici     je levai  sur  toi  l'arme  sacrée...   Tu reviens ici, ô  fol,   comment t'en iras-tu ?   "

-        "Ecoute ! "  répéta le  pur,   pour la seconde  fois. Mais  le magi­cien ne  pouvait  se taire,  il  écumait.

-        " Parsifal, tu commets, à cette heure, le plus lâche des péchés d'orgueil : tu contemples ta pureté dans le miroir de ma. détres­se : tu te repais des ruines de mon château, du désespoir de mon coeur : et tu sors ainsi de- la grâce... tu m'humilies mais tu te souilles.

-   " Ecoute " dit le pur, pour la troisième fois.

"Je suis vieux et je suis las, je touche au terme de ma vie et de ma mission. Il ne me reste qu'une chose à faire, une seule ; et puis- je serai prêt à  m'endormir dans la paix du Sauveur,

-     " Est-ce une confidence que tu vas me faire ? Attends-tu -un avis, ou un secoure de Klingsor, ô Parsifal. Avoue que tu as vou­lu te donner le spectacle de ma misère pour revivre les joies du triomphe.

-     " Tu es l'ombra de ma belle vie, Klingsor : je n'ai jamais" pu t'oublier : chaque année, au jour béni où Jésus répandit son sang pour effacer le péché du monde,  je pense à toi : tu m'obsèdes, comme un remords.                                                          

-     " Un remords ? Tu as un remords, toi le pur ?

-     " Longtemps j'ai éprouvé pour toi l'horreur que Judas dut inspi­rer aux disciples. La lumière du Graal, plus puissante que mon coeur, y a fait entrer la pitié. Je te plains, Klingsor, ou plutôt c'est le Saint Graal, dont je ne suis que le mandataire, qui t'apporte un message de commisération,"

Une respiration plus sifflante sortit dos lèvres du sorcier. Parsifal, continua.

-   " Tu es le plus grand des coupables, mais tu es si malheureux ! Les cinquante années -de paix et de sainte gloire que j'ai, vécues comme roi du Graal, tu les a passées dans les transes de la honte .et de la rage. L'enfer t'attend, au sortir d'une horrible vie : et la pour du feu éternel seule te rattache à la terre. Le suicide aurait terminé tes maux, si tu ne redoutais ceux plus épouvanta­bles de la tombe !

" Car, tu crois, Klingsor; tu as souhaité ardemment le service du Saint Graal, tu voulais devenir un saint et dans ton vertige tu demandas à un acte affreux d'abolir les passions, que tu no pouvais dompter,"

Le nécromant vociféra :

-     ,T Et Titurel me rejeta, malgré mon désir do la sainteté ... Vous autres, les purs, vous êtes implacables... Le  Maître ne s'est pas offert pour les saints : sa mort, il la dédia aux pécheurs. Celui qui efface le péché du monde, l'Agneau, vous en faites le loup dévorant, qui pousse aux peines sans fin les faibles, les éga­rés, les fragiles.

-     "Vous semez le désespoir ... Si une lueur m'avait été laissée, la plus faible, jamais je n'aurais déclaré la guerre à Montsalvat. En m'ôtant l'espoir, vous ne m'avez plus laissé que la folie des vengeances. J'ai cru que Satan me donnerait la victoire ' Et si j'avais conquis le Graal, je l'aurais servi fidèlement. Car j'en sais plus long que vous tous, mes maîtres : moi seul,- entends-tu moi seul, connais le mystère du Graal \

-       n  Pourquoi  l'as-tu combattu ?

-        Que m'importe une lumière qui ne me parvient pas, un salut sont je suis banni ?

.    Doucement Parsifal répondit :

Si tu voulais abattre cette forte muraille, joindrais-tu les mains en une ardente prière ? Tu saisirais un pic et tu frappe­rais. Tu as fait le contraire : le ciel te repoussait ; au lieu de lui tendre avec constance des mains suppliantes, tu lui as déclaré la guerre, tu, as demandé secours au démon.

-       n Je suis vaincu ! Es-tu venu pour  me l'apprendre ?

-       " Je viens payer ma dette  : tu. m'as donné la sainte lance.

-       " Je l'ai lancée sur toi,  comme un javelot mortel  ;  je te l'ai donnée, comme le chasseur donne l'épieu au sanglier.

-         J'oublie l'intention et ne vois que le fait. Je ne pouvais te reprendre l'arme autrement  :  ta colère et non ton zèle me l'of­frit,  comme la blessure d'Amfortas me révéla ma mission,  comme le baiser de Kundry m'apprit le secret de la douleur.  J'ai guéri Amfortas,  j'ai  purifié Kundry...

L'autre ricana.

-       n II ne te reste plus  qu'à sauver Klingsor,

-       ,! Oui ! ;  " dit  simplement le chef des purs.

-       " Fol,.tantôt d'une façon,  tantôt d'une autre,  tu n'as  jamais cessé d'être un fol   :  et aujourd'hui,  enivré d'une idée mystique, tu offres ce  qui n'est pas en ton pouvoir !... Prends garde !  Amfortas  se servit de [la] lance pour sa défense et il expia douloureu­sement cette témérité  ;  tu invoques le Graal,   pour l'épanouisse­ment de ton orgueil... prends  garde."

l'oeil du héros subitement s'adoucit.

-   -  Klingsor,' tu viens d'obéir à un mouvement de la grâce...  tu as cru que  je m'égarais  et tu m'as averti... Le Saint Graal te tiendra compte de ce noble mouvement.

Le goëte essaya de rire.

-       " Allons,  point d'enfantillage   ;  et dis-moi  enfin ce qui  t'amè­ne ?

-       " Ma souffrance   \              .

'-  "  Tu  possèdes  le Graal et  tu souffres ?

-       " Je souffre parce que. le Graal m'impose un difficile devoir et je crains de ne pas l'accomplir.

-       " Klingsor serait-il  élu à guérir Parsifal ?

-       " Oui !  n fit simplement' le chevalier.

-       " Foi;   " murmura le  pervers,

-       " Je te parus fol autrefois  et  je ne l'étais  pas.

n  Tant  que tu luttais contre Dieu,  tu étais un ennemi. Voilà bien longtemps  que désarmé  tu renonces à faire le mal. Satan t'a menti,et tu le méprises.  Tu ne crois  plus  au secours  d'en bas, tu n'espères nulle grâce d'en haut :  ton malheur me pèse.

-       " Eh bien ! Eh bien !  Qui   donc peut  quelque chose  pour Klingsor ?

-        Celui-là seul auquel Klingsor fit du bien   : Parsifal.

-       " Je  fus  la pierre d'achoppement.

-   "Tu fus  le degré  qui m'éleva à la plus haute  fortune  de ce mon­de  :  toi  1'obstacle, toi  1'embûche,  toi   l'adversaire.

-  " L'oeuvre  de  Dieu, Klingsor,   s'opère malgré  l'homme  ; il  suit ses   passions  et  le  Tout-Puissant  les  utilise,  même les   plus  bas­ses,   pour des  desseins  éternels  ; il tire  le  pur  do  l'impur et  ré­tablit   sans  cesse  l'harmonie   que nous   troublons.  Vois,   le   soleil, chaque matin,   dissipe les  ombres  : c'est  l'image de la grâce  sur­montant. nos   erreurs.  Après  le forfait, .comme après  la nuit,   une vertu,  une aurore  se  lève  :  et   je  suis,   ô Klingsor,   l'aurore de ta nuit.  Ma pureté   succéda à ton  péché ; un  lien  secret  unit  le digne  et  l'indigne  d'un même voeu."

Le  Goëte ne  répondit   plus.  Ces idées   eue le  pur tirait  de  son coeur,   il  les  connaissait,   il  aurait   pu  citer  les   pages   qui   les contenaient  :  et  cela 1'étonna que le roi  du Graal les  proférât.

-     " Comment   suis-je  arrivé  à cette vision ?  Je  l'attribue  à la miséricorde divine  qui   projette  quelque miracle  éclatant  où nous serons mêlés,   comme nous  le fûmes  autrefois ; j'ai  reçu de  toi  : il  faut  que   je  te rende, selon l'équité,   par  quelque  échange.  Or, le   salut seul  équivaut  à  la conquête  de  la lance,

-     "  Le Graal  t'envoie,  Parsifal ?

-     " Sans  doute. Tu es le dernier dos hommes  pour qui j'aurais sen­ti de la pitié ."  Tu viens  donc, malgré toi.

-     " Malgré moi,  on effet. J'accomplis un devoir, pour lequel nul autre  ne vaudrait. .Ce   que tu ne recevras pas de moi, ne l'attends de personne.

-     "   Sais-tu que j'ai été  tout à l'heure  si prêt  de te frapper, que  je m'étonne  encore  de ne  pas  l'avoir  fait !

-          Qu'importe!

-      " Je puis encore essayer do te blesser : mes armes sont empoi­sonnées et il suffit que j'entame ta peau, pour que tu meures."

Le héros eut le mouvement d'épaule de celui qui entend des propos oiseux ; et la colombe brodée brilla.

-      " Klingsor ; le temps presse, je ne puis m'attarder à entendre des paroles vaines.

-      " Comment I Tu ne t'indignes pas\   Tu m'apportes le salut, au moins tu le prétends, et je lève un- poignard sur toi...

-      " 'Tu as dit, tout à l'heure, que tu entendais, mieux que moi, le mystère du Graal ? Je suis ici, en son nom; ce serait une im­piété de craindre.

-      " En son nom... on son nom ... As-tu bien la conscience entière de ce que tu dis... En son nom... Que me proposes-tu donc, en son nom ?

-      "'De sauter à cheval et do te trouver demain, pour la Pâque, à Montsalvat,"

Le nigromant frappa, sur la table et des piles de volumes s ' écroulèrent. .Il jura, soudainement furieux, 'bégayant.-

-   , Je comprends, je comprends...  Ah. ! hypocrite  !. Ah ! scélérat !

Tu as rêvé  de donner à tes frères  le spectacle de  ma détresse. Comme ces saints qu'on représente suivis  du monstre qu'ils ont dompté, tu veux paraître, on  tenant Klingsor en laisse ; le vain­cu ornera ton triomphe, roi du Graal... Saint Georges demande au dragon de vouloir bien  figurer dans les cérémonies  ! "

Il suffoquait, pris d'une toux convulsive,

-   " Pauvre âme; ! fit le pur. " Nul no sort sans effort de l'endur­cissement. Je partirai sans t'avoir convaincu ? Quand tu te retrou­veras seul, brise ces instruments du mal comme j 'rai brisé mon arc et mes flèches, à la remontrance de Gurnemanz.

" Tu as aimé le Graal, tes crimes naquirent de ton dépit. Cela éclaire et obscurcit en même temps ta destinée. Damné certes, mille fois damné par le poids effrayant do tes actes, tu as aimé, cependant, tu as désiré Dieu.

Le naître de la -sainte milice tint un moment la tête dans ses mains.

Tu as aimé... et le Graal m'envoie... Pèse,  rapproche ces doux idées... l'amour est la lumière des âmes et la lumière ne se perd pas. Ainsi, je suis envoyé pour raviver la clarté pure qui brilla en ton coeur ; peux-tu te repentir ?

-     " Mon pacte avec le démon m'engage,  

-     " Le démon a-t-il tenu ses promesses ?

          "  Eh ! Eh!  Ne me  livre-t-il pas, aujourd'hui, mon. ennemi ?

-     " Un seul est ton ennemi. Devant  toi, se trouve un débiteur ...

Oui, j'ai conquis la lance, sur toi. Maintenant je. veux  reconqué­rir ton âme, sur lui \

-   " lion âme; Tu la connais peu pour la tant estimer! il n'y a vraiment que toi, Parsifal, pour la mettre à  si haut prix ?

Le héros comprit  qu'il fallait panser la plaie  d'orgueil  trop saignante,

-   " Ecoute encore, Klingsor.

" Lorsque, pour la première fois, j'élevai le Saint -Graal dans mes tremblantes mains, des voix célestes firent entendre ces mots que je pris longtemps pour un salut et dont je comprends aujourd'hui le commandement : " Rédemption au Rédempteur! " Chacun -sera jugé selon les grâces qu'il reçut. Comblé des faveurs d' En Haut, je devrai un compte rigoureux. Toi !. Klingsor, qui m' as donné la lance, je te prie de me donner encore ta pénitence, pour assurer ma gloire.,

-     " Eh ! Eh! Ne  suffit-il pas que tu m'aies vaincu ?

-     " Le Christ t'a vaincu : mais la victoire qu'il agrée, l'âme seu­le la fournit. Désarmé, tu n'as pas reconnu la justice de la défai­te.                                                       .

-     " Ah !. tu ne compatis pas à ma douleur, tu refuses le fleuron que fermerait ma couronne ! "

Le sorcier, adouci malgré lui et rêveur, murmura :

-     " Fol, toujours  fol  !

-     " Que le pur fol sauve le fol pervers ! Avoue le néant do tes oeuvres. L'araignée tisse sa toile, sur ces rayons que tu no visites plus ; la poussière s'épaissit corme un sable d'oubli sur ton arsenal ma­gique.   Tu ne regardes même  plus en bas,

En haut, que verrai-je ? Un juge implacable !

-   " Une victime innocente qui s'est offerte pour Klingsor l'impur !"

Par la fenêtre en ogive, le soleil filtrait à travers les verres de couleur ternis. Parsifal se leva, il parut d'une taille démesurée ;.d'un geste lent il détacha son manteau et le posa sur l'escabeau.

Le hasard des plis découvrit la colombe aux ailes déployées. Les petits yeux brillants du sorcier suivaient les [mouvements] du héros :

-     " ru laisses ton manteau ? » interrogea-t-il,

-     " Pour que tu pénètres à Montsalvat, librement ".

Un amer sourire plissa la. face bouffie du renégat.

-     " Même si ma volonté pliait ; mon vieux corps  malade et difforme ne supporterait pas ce long trajet.

-     " Quand on a devant soi l'enfer éternel, on trouve la force de le fuir : je ne refuserais pas te prendre en croupe parce que tu es impur, mais le Graal veut que tu viennes, de toi môme. Pour te décider, tu as a peine une heure.

Parsifal, je te .le redis : tu oses engager la vertu du Graal dans ton voeu : prends garde ! Tu obéis peut-être à un mouvement généreux.

-   " Penses-tu donc que Jésus ait moins de coeur pour sa créature que moi pour un seul ennemi.

" " Si les bons payent pour les méchants, il n'y a plus de damna­tion ? "

Le héros leva les yeux comme pour demander l'avis du ciel ; i il hésita et dit :

-   " Je payerai".pour toi !

- "  Orgueilleux ! Tu n'as donc pas besoin de tes mérites   pour  toi-même  ?

-       "  Oh!   dit Parsifal humblement, " je suis indigne  de ma fortune : j'aurais du venir plus  tôt.

-       " Eh ! Eh !  Voilà  que  tu ne me parais  plus  disposé  à payer ma ran­çon.

-       "   Tu te  trompes,  Klingsor ;  Ce   que   je  te  donnerai  ne m'appauvri­ra pas.  L'aumône Dieu me  la rendra or  pour cuivre.

-       "  J'accepte  ta visite   qui  a rompu l'ennui  de ma  retraite.  Va donc et  sois  sauf,  Parsifal.

-       "  A demain, Klingsor'.   n  dit  lentement  le  pur,

Le mage noir regarda sortir le héros,  il  se  pencha à une meurtrière  pour l'apercevoir  plus  longtemps. Puis, il alla vers son fauteuil De travail et tressaillit ; la colombe, "brodée sur le manteau du roi, brillait d'une façon ir­réelle .

Il considéra ce morceau d'étoffe qui blasonnait le voeu, le seul voeu de son coeur,.

Qu'avait-il demandé  au ciel et  puis  à l'enfer,   sinon le droit do  porter ce manteau :et il le voyait à  portée do  ses mains.  Il n'osa pas le toucher,   des  convoitises nerveuses  agitai­ent  ses  doigts.  Le revêtir,   c'était  se repentir,   faire amende honorable !

Il s'étonna d'avoir tant changé en si peu de minutes, sans
que Satan ne se manifestât d'aucune sorte, pour affermir sa ré­sistance.  .

Il appela le mauvais maître,  il le  conjura par les  impérieu­ses  formules,   sans effet.  Il  s'aperçut alors   qu'il  tenait  encore dons  sa main le cuir do  la lance  sacrée.

L'impuissance  du démon  s'avouait tello,   qu'il  eut  pitié  do lui-même ;  'affirmation de Parsifal dominait.  Un moment il tour­na dans  la tour,   comme une bête,  marmottant  des mots.,   frappant les objets  avec la lanière.   Tout à coup,   pris  d'une résolution  fougueuse,   il battit le briquet,   alluma une torche  et  sans  hésiter la lança sur l'amas d'objets.  Puis il  s'enveloppa du manteau et  sor­tit  en criant.

-  " Un cheval!  un cheval !

II

Dons le plus saint des moustiers, une anxiété indescriptible agitait les coeurs,

Au son joyeux dos cloches, chevaliers, écuyers et servants avaient pris place dans l'église.

Les  pages  se  tenaient  aux  quatre côtés  de  l'autel, et  les chants  s'élevaient,  selon le rituel ; mais  l'absence du grand Maître  troublait  les  coeurs ?  Quel autre motif retenait le roi de  Graal !  loin de Montsalvat,  au saint  jour de Pâques ?

Lui   seul .pouvait  officier. La sainte milice,   en  ce  jour solennel  serait  privée  du réconfort  sacré.

Soudain Parsifal parut sans manteau, poussiéreux, .et si las qu'à sa démarche on le crut blessé. Péniblement il monta à l'au­tel et,  agenouillé,  il  s'abîma dans une interminable  prière,

L'assistance  attendit, silencieuse  et recueillie, la fin de cette  oraison : les minutes  se  succéderont  sans  que le  grand Maître  se relevât. Une impatience nerveuse  passa comme un  fris­son et une nouvelle angoisse inquiéta les  esprits. Pourquoi Parsifal n'ordonnait-il  pas  d'ouvrir la chasse ?  Une heure  en­tière,  qui parut insupportable à chacun, s'écoula,

.Tout à coup le  grand Maître  se leva et fit un signe- :

Le voile  de  pourpre  qui   enveloppait la. châsse d'or tomba et le Saint Graal apparut.

Pendant  que le pontife  prenait la coupe incomparable  et  la posait  devant  lui, quelqu'un était  entré,  sans être vu.  Quoiqu'il portât le manteau des  chevaliers,  il  se tapit au coin le  plus  som­bre, près de la porte.

l'ombre  envahit le saint lieu,   comme il arrivait à chaque exposition de  la relique. Cette fois  l'ombre resta ; le  Graal re­fusait  de  se manifester ;  depuis un demi-siècle  ce refus  d'en haut ne  s'était  pas  produit. Une rumeur,  où il y  avait  do la plainte, du reproche, de  l'amour et de la rébellion,  s'éleva, comme une ré­ponse,   à la fois suppliante et séditieuse.

A cette manifestation  céleste,  Parsifal, déjà harassé  par l'effort  physique, chancela : l'audace de  son action l'épeura. Une seule  présence  offusquait le  précieux  sang. Il n'avait   qu'à dire une  parole  pour  que  le miracle  eût  lieu, à la sainte  joie de tous ; cette  parole  eût  été  l'arrêt  éternel  do Klingsor  ; cette  parole précipitait le  plus noir dos  pécheurs  à la géhenne  et il ne la dit pas.  Il   pleura,  il  pleura comme un enfant, comme  un fou  : et  les chevaliers,   en  entendant  de  tels  sanglots  et ne  sachant  pas  leur cause,   s'émurent  ;  et  par une  contagion  soudaine qu'expliquait la crispation do la longue attente, un immense  sanglot monta frapper les voûtes.

Soudain, un trait lumineux, mince .comme celui que trace un imagier, partit du calice et toucha le coin sombre où une forme épaissie  était tapie,

La forme  se déroba,  le mince  rayon la suivit.

Pendant un moment, le  trait se déplaça, comme s'il fouillait le  bas   do  l'église  et y   poursuivait quelqu'un,

Malgré leur  piété, les  assistants  s'aperçurent  do l'étrange  ef­fet   ;  et leurs  regards, quittant l'autel, suivirent le  filet  lumi­neux,

Un chevalier  que nul ne  connaissait,   ou du moins un homme. couvert  du manteau do  l'ordre, fuyait  en vain la flèche  de lumière, Criblé   de  ses  coups,  il  s'affalait,   tournant,   tombant et se rele­vant,   comme  si   chaque  contact  de la divine lueur l'eut brûlé.

L'obscurité  cachait la. laideur du personnage.  On ne voyait qu'une masse  en  détresse  qui   se  convulsait  sous une volée de traits ardents.  Un  cri s'éleva, d'une angoisse indicible  et l'ombre  s'affaissa, et demeura inerte.  Alors  le rayon  s'élargit, se  colora, s'échauffa ; et d'une  lumière  croissante il baigna, le manteau,  il l'inonda de clarté .

-       n Hosannah ! " entonna Parsifal, avec un accent de joie qu'il fit sauter les coeurs dans les poitrines. Telle était l'entière commu­nion de ces élus de la foi qu'ils frémirent à l'allégresse de leur chef sans   en  savoir la cause,

-    " Hosannah !   ",   crièrent  chevaliers,   écuyers,   pages.

Du manteau,  un  être  affreux sortit, crapaud monstrueux,   lamen­table, et  comme l'animal  auquel il  ressemblait,  cet  être  se traîna, dans le rayon  étincelant,   qui  l'attirait  comme une  puissante  et invisible main.  Quel  temps  fallut-il au  pécheur pour ramper de la porte   jusqu'à l'autel.  Son affreux visage  souriait  sous une  pluie de larmes  et  ses hoquets montaient  dans  le silence  plein  de  stu­peur,   déchirant,  à croire  qu'il allait mourir.

Douloureuse limace, qui laissait la bave do son repentir sur la dalle, il atteignit l'autel. Là, il essaya de se lever, battit l'air de  ses  bras  courts,   en  oiseau  fou.

Il voulait  parler. -Cette voix,   qui   avait appelé  le diable si  souvent,  ne  devait  pas  résonner dans  ce lieu ; et le  Saint Graal 1'éblouit  d'un  tel  coup de lumière  qu'il  tomba.

Le  céleste  rayonnement  s'attarda sur le misérable  avec une ineffable  prédilection de  charité  ;  puis,   la clarté  divine  se  ré­pandit  sur tous,  épanouissant les nobles  consciences.

Après la cérémonie,  Parsifal  ordonna que Klingsor fût  enter­ré  au bas  de  sa  propre tombe,   à ses   pieds,  afin de  témoigner de la miséricorde  de Dieu et  de  la vertu du Saint Garai.

Joséphin PELADAN

(Extrait  de " AKADEMOS",   revue mensuelle d'Art libre et  de  critique,   15  avril   1909).

Il a été tenu compte des corrections manuscrites de Péladan  selon l'épreuve consultée. Des erreurs peuvent demeurer de notre fait,  merci pour votre indulgence.