10/28/2011

LA PRIERE

ORDRE DE LYON

Une contribution à une tenue du Chapitre Constant CHEVILLON

dont le thème était : « Pour chacun d’ente vous qu’est-ce que la Prière que certains nomment méditation ou tension ?


La Prière

 " Tu étais au-dedans, et moi au-dehors "

(Confessions X, 27, 38)
 
Pour saisir la prière, il importe à mon sens de savoir ce qu’elle est exactement, car elle varie de sens et par conséquent d’action selon l’idée que l’on s’en fait. Le mot prière peut, dans le langage courant, s’assimiler à celui de demande ; on dit facilement à quelqu’un : « Je vous adresse cette prière », au lieu de : « Je vous adresse cette demande ». Mais n’est-elle que cela ? Cette façon de la concevoir n’est pas exacte, la prière n’est pas qu’un acte tendant à obtenir un avantage, elle est simplement la manifestation de la volonté à l’élévation de l’âme, un acte de foi, un cri de bonheur, un ardent appel.

Or il existe des différences fondamentales dans la façon dont pratiquent ceux qui l’accomplissent et qui la changent d’une manière totale. Pour les uns, il s’agit de l’acte consistant à réciter d’une façon plus ou moins distraite, quelques phrases matinales ou vespérales ; pour d’autres, c’est s’adresser à Dieu en des formules plus concises, mais toujours solennelles ; pour d’autres encore, il s’agit d’une action exceptionnelle pratiquée uniquement dans des circonstances particulières.

Ainsi en est-il de la Prière, elle peut être prononcée bien gentiment, dans le confort et la quiétude d’un chez soi, dans le calme d’une église, le repos d’un cloître, elle peut se voir décuplée par la foi ou le danger, ou simplement encadrée de mots enfantins et limpides, par la simple pureté du cœur.

Mais elle est fille de la foi, elle-même moteur du désir.

La foi se présente comme la manifestation de tout l’être pour la reconquête du Ciel, ce n’est pas une opération tiède, fruit de la récitation machinale d’une formule, mais un courant puissant qui pénètre l’individu et le transporte en les régions supérieures de sa propre conscience. Ce n’est pas une œuvre transitoire ou molle ; c’est la manifestation d’un sentiment puissant, surmontant les obstacles. Celui qui a la foi ne se préoccupe pas des difficultés qui surgissent ou surgiront dans l’accomplissement de la tâche qu’il s’est imposée, mais seulement dans la but à atteindre, des moyens à mettre en action pour la réaliser. La foi suscite la volonté, fait surgir les initiatives, mais est avant toute chose intimement liée au désir.

Ce désir de progression de cheminer plus avant sur La Voie, Saint Augustin l’expose bien mieux que je ne saurais faire :

« Toute la vie du vrai chrétien est un saint désir. Sans doute, ce que tu désires, tu ne le vois pas encore : mais le désir te rend capable, quand viendra ce que tu dois voir, d'être comblé.

Supposons que tu veuilles remplir quelque objet en forme de poche et que tu saches la surabondance de ce que tu as à recevoir ; tu étends cette poche, sac, outre, ou tout autre objet de ce genre ; tu sais combien grand est ce que tu as à y mettre, et tu vois que la poche est étroite : en l'étendant, tu en augmentes la capacité. De même, Dieu, en faisant attendre, étend le désir ; en faisant désirer, il étend l'âme ; en étendant l'âme, il la rend capable de recevoir. »

Pour laisser cette Foi s’exprimer pleinement, on comprend pleinement la nécessité à mourir au monde et à tourner la Prière vers soi, en soi.

 « Voici que tu étais au-dedans de moi et moi au-dehors… Tu étais avec moi et je n'étais pas avec toi » (X, 27, 38).

 Quelle justesse dans l'expression de sa recherche. La vérité avec lui-même lui fait trouver Dieu.

Les Confessions encore :

« Bien tard je t'ai aimée, ô beauté si ancienne et si nouvelle,
Bien tard je t'ai aimée !
Et voici que tu étais au-dedans, et moi au-dehors
et c'est là que je te cherchais,
et sur la grâce de ces choses que tu as faites,
pauvre disgracié, je me ruais !
Tu étais avec moi et je n'étais pas avec toi ;
elles me retenaient loin de toi, ces choses qui pourtant,
si elles n'existaient pas en toi, n'existeraient pas !
Tu as appelé, tu as crié et tu as brisé ma surdité ;
tu as brillé, tu as resplendi et tu as dissipé ma cécité
tu as embaumé, j'ai respiré et haletant j'aspire à toi ;
j'ai goûté, et j'ai faim et j'ai soif ;
tu m'as touché, et je me suis enflammé pour ta paix. »
 
Par ce texte, nous voyons une oscillation entre l'extériorité qui est dispersion, et l'intériorité qui est unification. Les sens y tiennent une grande place : l'ouïe, la vue, l'odorat, le goût, le toucher, c'est par eux que le Seigneur le traverse pour l'atteindre en son être le plus profond.

 Quand le cœur s'aperçoit que l'attachement au monde n'est qu'une forme d'aliénation, il est déjà prêt à renouer avec la Vérité qu'il porte à l'intérieur de lui-même.

Ainsi, André Comte-Sponville nous confie- t-il :

« (…) pourquoi chercher Dieu quand tout est là ? Je me sens proche, souvent, des mystiques, et pour les mêmes raisons qui les ont presque toujours rendus suspects aux yeux des Eglises. Si un mystique est quelqu’un qui fait l’expérience de la présence de Dieu, ou qui appelle « Dieu » la présence dont il fait l’expérience, il n’a plus besoin d’Eglise, plus besoin de dogmes, plus besoin d’espérance : Dieu est là, tout est là, nous comprenons dès lors que nous sommes déjà sauvés. »
 
La Prière véritable creuse, et d’abord le silence, de chacun, intimement, en son âme, en un Temple intérieur redécouvert alors. Contemplation en premier lieu  de l’instant, du présent, loin de passé et avenir, elle est perception de la Présence, de la sienne, d’abord, première étape d l’Autre. Elle s’adresse à tout notre être et le dépouille d’inutiles gestes et bavardages. Prier, c’est se maintenir en soi, au centre d’une tempête enfin apaisée, en un lieu intérieur où les vocables sont nus, où l’âme reconnaît la vacuité des choses terrestres, aspirant à s’envoler vers le vrai.

La Prière est union, union des croyants, de ceux qui nourrissent leur foi, elle est un souffle, un souffle au-delà des mots.

 « Le royaume de Dieu est en toi et tout autour de toi, pas dans les palais de bois et de pierre ... »

Didyme Jude Thomas

J’ai dit.


10/21/2011

LE VRAI VISAGE DE LA FRANC-MACONNERIE


A\ L\G\D\G\A\D\L\U\

           

« Le Vrai Visage De La Franc-Maçonnerie »


Vénérable Maitre et vous tous mes Sœurs et Frères en vos grades et qualités


Je vais partager avec vous ce soir mes réflexions concernant ce magnifique texte de Constant Chevillon « Le Vrai Visage de la Franc-Maçonnerie ».

Constant Chevillon fût une grande figure de la vie initiatique française du XXème siècle. Son engagement initiatique lui valut d’être Grand-Maitre de 2 formations initiatiques: l’Ordre des Chevaliers Maçons Elus Cohen de l’Univers et le Rite Ancien et Primitif de Memphis et Misraïm.

Il fut assassiné par la milice de Vichy en Mars 1944 dans la banlieue lyonnaise, 5 ans après la parution de son livre«  Le Vrai Visage de la Franc-Maçonnerie » en 1939.

Je dois vous dire que j’avais étudié ce texte il y a 10 ans en tant que jeune Apprenti et cette planche m’a procuré beaucoup de plaisir et m’a plongé en même temps dans une profonde réflexion quant à mon engagement de Franc-Maçon.
 
Notre Frère Constant Chevillon commence par une longue introduction dans laquelle il dresse un constat général sur l’état de la Franc-Maçonnerie de son époque.

La F\M\ subit alors de nombreuses attaques à la fois extérieures et internes: de l‘extérieur parce que sa nature propre d‘Institution Initiatique Traditionnelle en fait l‘adversaire de toutes les dictatures, de tous les racismes et de toutes les tentatives d‘exclusion car elle représente le symbole vivant de la fraternité universelle. De plus, elle s’oppose à tout clan ou parti politique voire  même Eglise de nature exclusive car Elle ne concède à aucun de ces derniers le monopole de l’Universalité, son idéal unique pour l’Humanité toute entière étant l’Unité dans la diversité des races et nations.

Sur le plan interne, la F\M\ est attaquée parce certains de ses membres ont oublié son caractère universel qui  lui interdit d’entretenir ou favoriser certains esprits de clocher et de s’immiscer dans les affaires politiques.

Ces comportements profanes de certains Maçons ont fait prêter le flanc aux critiques de la Société.

En écrivant cela, Constant Chevillon est parfaitement d’actualité, quand on regarde ce qui se passe aujourd’hui dans l’arène maçonnique pour certaine Obédience française.

La fin de son introduction mentionne l’état d’appauvrissement initiatique dans lequel est tombée la Franc-Maçonnerie des années 1940: pour Constant Chevillon, Elle ressemble sur le plan national et international à un bâtiment composé de belles  façades habilement posées pour cacher le vide initiatique et la condition profane des Maçons.

Peut-on dire en 2011 que cet état de fait n’existe plus?

 L’intérêt du travail de Constant Chevillon est qu’il ne se contente pas d’exprimer une réalité actuelle peu ragoutante, il amène aussi à notre  connaissance sa haute compréhension de grand initié de la véritable Franc-Maçonnerie de Tradition et surtout un « mode d’emploi » clair pour les initiables que nous sommes.

 Nous sommes acceptés en Loge parce que nous sommes « libres et de bonnes mœurs ». La liberté au sens initiatique est une Puissance et les bonnes mœurs sont une attitude consécutive de cette Puissance. Le Maçon est amené à commander à tout ce qui n’est pas la conséquence inéluctable des Lois Universelles du Cosmos. Le mot sacré « TUBALCAIN » ne nous rappelle-t-il pas: « Je suis le Régent de l’Univers »?

Constant Chevillon explique que l’Enseignement Maçonnique est une école comportant des étapes précises, graduelles et codifiées qui doivent nous amener à une spiritualisation progressive de notre Etre en nous libérant de la lourde matérialité. Nous devons, pour nous considérer comme libres, avoir assujetti nos besoins, nos instincts et nos passions corporelles à une plus grande Autorité qui «  construit des autels à la Vertu et qui creuse des tombeaux pour les Vices ».
 
Cette conquête de notre liberté initiatique est une Ascèse, c’est-à-dire une discipline de vie comportant des exercices physiques et moraux à pratiquer en vue d’un perfectionnement spirituel.

Elle comprend une Phase de Purification dont le résultat attendu est une maitrise de soi-même, en résorbant les entraves matérielles et passionnelles propres aux « esclaves », ces êtres dénués de liberté.

La deuxième Phase de cette conquête libertaire est une Ascèse active utilisant la VOLONTE et dont le but est triple car notre nature triple nécessite une action sur 3 niveaux: il s’agit de façonner et de cuirasser l’Ame, l’Intelligence et l’Esprit.

Notre rituel égyptien nous indique: « Mes Frères, n’oublions pas que c’est en notre Ame et en l ‘Ame de nos semblables que nous devons semer le Verbe afin qu‘il produise des fruits en tout genre et de toute espèce. Car l‘Ame de l‘homme est la terre naturelle du Verbe.»

Cette ascèse de l’Ame ou ascèse sentimentale doit permettre à l’Ame humaine, matérialité subtile qui touche par un de ses pôles l’ESPRIT et par l’autre la MATIERE, d‘être ensemencée par l‘AMOUR et d’éliminer l’Egoïsme, ce noyau dur sur lequel sont greffés les 7 Pêchés Capitaux.

Le Maçon doit, par la technique maçonnique, devenir un homme de CŒUR.

Il doit aussi atteindre le niveau de l’homme de SCIENCE, en soumettant son Entendement et son Intelligence à la RAISON qui devient alors un outil de précision: il atteindra ainsi la Science Maçonnique ou Gnose.

Ses outils seront le SILENCE et la MEDITATION : écouter, observer, comparer et filtrer, pour discerner l’Apparence de la Réalité et ensuite accéder au Monde des Essences et des Idées.

 C’est alors le troisième stade de la conquête de sa Liberté de Maçon: la création par ses propres efforts et sa persévérance de sa CONSCIENCE véritable (celle qui le fond dans l’Univers) et celle de sa PERSONNALITE unique.

« Car c’est par sa Conscience que l’Homme accède au Divin »…

Constant Chevillon précise que ce niveau de création de sa conscience par le Maçon est une donnée primordiale car ayant accès au Monde Supérieur des Idées, sa Conscience devient spécifique et IMMORTELLE.

 Tout ce travail initiatique que propose la Franc-Maçonnerie Authentique peut et doit amener le Maçon qui entend l’appel à devenir un APOTRE : c’est l’homme véritable, possesseur des Vertus Théologales: FOI, ESPERANCE, CHARITE, qui font de lui un homme-DIEU.

C’est donc à un programme d’ACTION que nous convie la véritable Franc-Maçonnerie, d’abord pour la construction individuelle complète du Maçon lui-même, car son rôle ensuite, s’il l’accepte, est une œuvre de DEVOIR et de RESPONSABILITE envers l’Humanité et son Temple Extérieur.

 Le but ultime du Maçon qui entend et répond à l’Appel est de devenir un homme Initié, un Illuminé (flambeau individuel), un homme de Cœur, de Science et d’Action.

 Si je fais mon examen de conscience, tel que Constant Chevillon nous exhorte à le faire dans ce texte sublime: Avais-je compris en frappant à la Porte du Temple l’étendue de la tâche qui m’était proposée? Certainement pas!

Ai-je appréhendé la véritable utilisation de mes outils de Maçon et la portée du Serment que j’ai prêté en recevant la Lumière?

Je ne peux plus dire aujourd’hui « Je ne sais ni lire ni écrire, je ne sais qu’épeler » mais je sais surtout que je ne peux pas me retrancher derrière la lâcheté qui consiste à dire « Je suis un éternel Apprenti ».

 J’ai dit, Vénérable Maitre.