ORDRE DE LYON
Une
contribution à une tenue du Chapitre Constant CHEVILLON
dont le thème était : « Pour chacun d’ente vous qu’est-ce que la Prière
que certains nomment méditation ou tension ?
La Prière
(Confessions
X, 27, 38)
Pour saisir
la prière, il importe à mon sens de savoir ce qu’elle est exactement, car elle
varie de sens et par conséquent d’action selon l’idée que l’on s’en fait. Le
mot prière peut, dans le langage courant, s’assimiler à celui de demande ;
on dit facilement à quelqu’un : « Je vous adresse cette
prière », au lieu de : « Je vous adresse cette demande ». Mais
n’est-elle que cela ? Cette façon de la concevoir n’est pas exacte, la prière
n’est pas qu’un acte tendant à obtenir un avantage, elle est simplement la
manifestation de la volonté à l’élévation de l’âme, un acte de foi, un cri de
bonheur, un ardent appel.
Or il
existe des différences fondamentales dans la façon dont pratiquent ceux qui
l’accomplissent et qui la changent d’une manière totale. Pour les uns, il
s’agit de l’acte consistant à réciter d’une façon plus ou moins distraite,
quelques phrases matinales ou vespérales ; pour d’autres, c’est s’adresser
à Dieu en des formules plus concises, mais toujours solennelles ; pour
d’autres encore, il s’agit d’une action exceptionnelle pratiquée uniquement
dans des circonstances particulières.
Ainsi en
est-il de la Prière, elle peut être prononcée bien gentiment, dans le confort
et la quiétude d’un chez soi, dans le calme d’une église, le repos d’un
cloître, elle peut se voir décuplée par la foi ou le danger, ou simplement
encadrée de mots enfantins et limpides, par la simple pureté du cœur.
Mais elle
est fille de la foi, elle-même moteur du désir.
La foi se
présente comme la manifestation de tout l’être pour la reconquête du Ciel, ce
n’est pas une opération tiède, fruit de la récitation machinale d’une formule,
mais un courant puissant qui pénètre l’individu et le transporte en les régions
supérieures de sa propre conscience. Ce n’est pas une œuvre transitoire ou
molle ; c’est la manifestation d’un sentiment puissant, surmontant les
obstacles. Celui qui a la foi ne se préoccupe pas des difficultés qui
surgissent ou surgiront dans l’accomplissement de la tâche qu’il s’est imposée,
mais seulement dans la but à atteindre, des moyens à mettre en action pour la
réaliser. La foi suscite la volonté, fait surgir les initiatives, mais est
avant toute chose intimement liée au désir.
Ce désir de
progression de cheminer plus avant sur La Voie, Saint Augustin l’expose bien
mieux que je ne saurais faire :
« Toute
la vie du vrai chrétien est un saint désir. Sans doute, ce que tu désires, tu
ne le vois pas encore : mais le désir te rend capable, quand viendra ce que tu
dois voir, d'être comblé.
Supposons
que tu veuilles remplir quelque objet en forme de poche et que tu saches la
surabondance de ce que tu as à recevoir ; tu étends cette poche, sac, outre, ou
tout autre objet de ce genre ; tu sais combien grand est ce que tu as à y
mettre, et tu vois que la poche est étroite : en l'étendant, tu en augmentes la
capacité. De même, Dieu, en faisant attendre, étend le désir ; en faisant
désirer, il étend l'âme ; en étendant l'âme, il la rend capable de recevoir. »
Pour
laisser cette Foi s’exprimer pleinement, on comprend pleinement la nécessité à
mourir au monde et à tourner la Prière vers soi, en soi.
Les
Confessions encore :
« Bien
tard je t'ai aimée, ô beauté si ancienne et si nouvelle,
Bien tard
je t'ai aimée !Et voici que tu étais au-dedans, et moi au-dehors
et c'est là que je te cherchais,
et sur la grâce de ces choses que tu as faites,
pauvre disgracié, je me ruais !
Tu étais avec moi et je n'étais pas avec toi ;
elles me retenaient loin de toi, ces choses qui pourtant,
si elles n'existaient pas en toi, n'existeraient pas !
Tu as appelé, tu as crié et tu as brisé ma surdité ;
tu as brillé, tu as resplendi et tu as dissipé ma cécité
tu as embaumé, j'ai respiré et haletant j'aspire à toi ;
j'ai goûté, et j'ai faim et j'ai soif ;
tu m'as touché, et je me suis enflammé pour ta paix. »
Par ce
texte, nous voyons une oscillation entre l'extériorité qui est dispersion, et
l'intériorité qui est unification. Les sens y tiennent une grande place :
l'ouïe, la vue, l'odorat, le goût, le toucher, c'est par eux que le Seigneur le
traverse pour l'atteindre en son être le plus profond.
Ainsi, André
Comte-Sponville nous confie- t-il :
« (…)
pourquoi chercher Dieu quand tout est là ? Je me sens proche, souvent, des
mystiques, et pour les mêmes raisons qui les ont presque toujours rendus
suspects aux yeux des Eglises. Si un mystique est quelqu’un qui fait
l’expérience de la présence de Dieu, ou qui appelle « Dieu » la
présence dont il fait l’expérience, il n’a plus besoin d’Eglise, plus besoin de
dogmes, plus besoin d’espérance : Dieu est là, tout est là, nous
comprenons dès lors que nous sommes déjà sauvés. »
La Prière
véritable creuse, et d’abord le silence, de chacun, intimement, en son âme, en
un Temple intérieur redécouvert alors. Contemplation en premier lieu de l’instant, du présent, loin de passé et
avenir, elle est perception de la Présence, de la sienne, d’abord, première
étape d l’Autre. Elle s’adresse à tout notre être et le dépouille d’inutiles
gestes et bavardages. Prier, c’est se maintenir en soi, au centre d’une tempête
enfin apaisée, en un lieu intérieur où les vocables sont nus, où l’âme
reconnaît la vacuité des choses terrestres, aspirant à s’envoler vers le vrai.
La Prière
est union, union des croyants, de ceux qui nourrissent leur foi, elle est un
souffle, un souffle au-delà des mots.
Didyme Jude
Thomas
J’ai dit.
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