6/29/2009
Planche du F. F. BRIDOUX - la R.L. LIBERTE CHERIE
De l’Illustre et Respectable Loge
LIBERTE CHERIE
Travail de mémoire
En hommage aux FF.*. fondateurs au camp de concentration ‘’Nacht und Nebel’’
d’ ESTERWEGEN
Nuit et Brouillard
« Liberté Chérie »,
une Loge Maçonnique au camp de concentration d’ESTERWEGEN
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V M et vous mes FF, en vos grades et qualités,
Je vous remercie de m’accueillir aujourd’hui pour vous parler de l’extraordinaire création d’une Loge Maçonnique dans un camp de concentration nazi et des quelques F Maç qui en ont été les artisans.
Mes FF, mon récit risque de vous paraître bien long et peut-être même fastidieux car je vous dois d’être complet et précis. Il sera de surcroît émaillé de dates malheureusement indispensables à la bonne compréhension des faits. J’en appellerai donc à votre indulgence.
Mes FF, c’est un honneur de rendre hommage à l’action de nos FF qui ont œuvrés et se sont sacrifiés à la recherche de la Liberté.
Pour moi c’est aussi une épreuve car je vais évoquer le souvenir de moments de souffrance vécus avec eux à Esterwegen à Egalité.
Enfin, c’est un devoir de mémoire de sortir de la « Nuit et du Brouillard » pour les mettre en pleine lumière, les conditions et circonstances réelles de la création de la Loge Liberté Chérie.
C’est un devoir de Fraternité.
Mes FF, à la recherche d’une vérité que nos mémoires défaillantes estompent de plus en plus, je voudrais rendre hommage à quelques FF que j’ai connus dans des circonstances très … particulières et, transmettre le message qu’ils n’auraient pas manqué de buriner sans cesse face à ‘’l’égoïsme exacerbé’’, l’incivisme croissant de nos contemporains devenus, peu à peu des’’ hitler connait pas’’.
La présentation de faits vécus, trop souvent déformés par manque d’information, contribue, j’ose l’espérer, au travail de mémoire que nous devons assumer.
Nous maintiendrons ainsi cette vigilance indispensable pour ‘’continuer le combat, afin que plus jamais ne renaisse la bête immonde’’
Pendant près d’un demi-siècle, la plupart des prisonniers politiques se sont montrés très discrets. Volontairement sobres dans leurs récits, ils n’ont donné que relativement peu d’informations sur les conditions de vie qu’ils ont subies dans les camps de concentration.
Les raisons de cette consigne du silence sont multiples : sorte de pudeur, d’humilité, de modestie, mais aussi, crainte de ne pas être compris, d’être taxés de complaisance, de mentalité d' ’’anciens combattants’’.
Les survivants de la L Liberté Chérie rentrés d’Allemagne à la fin de la guerre, partagent ce souci de discrétion et ne donnent que relativement peu de détails sur les conditions de vie et le sort des prisonniers. De même ils n’insistent guère à nous préciser comment ‘’Liberté Chérie’’ a pu être créée et fonctionner à Esterwegen.
A la fin du 20e siècle, les derniers prisonniers politiques survivants ont compris qu’ils ne pouvaient plus se taire car bientôt plus personne ne pourra transmettre les informations qu’ils restent seuls à connaître vraiment.
Soixante ans après les évènements que nous allons évoquer ce soir, il reste de moins en moins de témoins. Nous sommes passés à plus de 150 à la baraque 6 au camp d’Esterwegen entre mai 1943 et mai 1944. Seuls les plus jeunes survivent, nous avions alors moins de 20 ans, aujourd’hui nous sommes des octogénaires.
En 2009, nous ne sommes plus que 5 : Emile Fournier, un Franc-Tireur Partisan Français d’Arras, René Deprez de Durbuy, ancien de l’Armée Belge des Partisans et 3 anciens membres de la section jeunes du Front de l’Indépendance - le Rassemblement National de la Jeunesse - : Marius Cauvain de Boussu, son frère Marcel Cauvain de St. Ghislain et moi-même. Mais le plus jeune à 83 ans ! ! !
En 1990, avec trois de mes anciens compagnons de la résistance et de captivité nous avons décidé de rechercher des informations complémentaires afin de faire revivre dans nos souvenirs les détails que le temps avait peu à peu effacés. Plus tard, je me suis efforcé de retracer de manière plus précise, les conditions de création et de fonctionnement de la L LIBERTE CHERIE.
Mes visites à différents services des archives comme ceux du Ministère de la Santé Publique m’ont permis de rassembler les éléments nécessaires à la reconstitution de la chronologie des évènements.
Dès 1933, directement après leur prise de pouvoir, les Nazis créent sur le territoire allemand un réseau serré de centaines de centres de détention de toutes sortes.
Réseau qu'ils étendront à tous les pays occupés !!!
En 1933, les Nazis installent des camps de redressement ou de rééducation dans l’Emsland, une sinistre région de marais et de tourbières.
La petite ville de Papenburg en est le centre administratif.
Des 15 camps créés, les 2 plus connus sont : le n°1 Börgermoor et le 7 Esterwegen.
Carte des camps de l'Emsland
C’est à Börgermoor qu’un prisonnier crée « Le Chant des Marais » qui deviendra plus tard le véritable hymne de la déportation.
D’abord appelé le « Börgermoorlied », après une première modification dans les paroles en 1934 à Esterwegen, sa renommée se fera sous le titre « Die Moorsoldaten » - « Les Soldats de la Tourbe ».
Les détenus antifascistes allemands l’ont alors répandu dans tous les camps.
Dès 1936, il est connu internationalement sous le nom de « Chant des Marais » et chanté notamment dans les milieux populaires et dans les groupes scouts ainsi que par les combattants des Brigades Internationales en Espagne.
Dans la version que nous chantions à Esterwegen avec le Frère Luc Somerhausen, la 3ème ligne du dernier couplet devient Liberté, liberté chérie.
Ecoutons le Chant des Marais
Une longue plainte monte des marais, continue en cris de colère et de rage
et s’achève en un chant d’espoir et d’amour….
ESTERWEGEN, c’est le camp n°7 de l’Emsland
Il est situé à 20 km, de la frontière hollandaise à hauteur de Gröningen et d’Oldenburg.
La gestion de ces camps est d’abord confiée aux S.A., les «Sturmabteilungen » les ‘’chemises brunes’’ qui ont littéralement porté Hitler dans sa conquête du pouvoir.
Lors de la « Nuit des Longs Couteaux » le 30 juin 1934, les principaux leaders des S.A. sont assassinés par les S.S.. Dès lors, la police secrète d’Etat, la « Geheim-Staatpolizei » ou « GESTAPO » et les S.S. vont mettre la main sur les camps. En 1939, au début de la guerre, la plupart des S.S. des camps de l’Emsland sont affectés à des troupes en campagne. Quelques officiers S.S. gardent la haute autorité et font des inspections plus ou moins fréquentes pour imposer leurs consignes les plus sévères.
La gestion journalière est alors assurée par de simples gardiens de prison qui vont s’occuper des prisonniers allemands maintenus dans les camps et, plus tard, des prisonniers politiques Belges et Français du Nord-Pas de Calais. Il va de soi qu’une telle mission ne sera confiée qu’à des nazis convaincus et particulièrement zélés. Ce zèle excessif leur vaudra, en 1947, un jugement pour crimes de guerre et la condamnation à mort pour deux d’entre eux, 7 autres s’en tirent avec 5 à 15 ans de prisons.
Le décret « NACHT UND NEBEL »
En 1941, dans les pays occupés, les organisations de résistance se sont développées et leurs membres sont de plus en plus actifs. La lutte contre les forces de police et les « collaborateurs » s’intensifie, la gestapo et les autres polices mènent une répression terrible. Elles multiplient les arrestations de résistants. Les prisonniers subissent des interrogatoires ‘’musclés’’ notamment au siège de la Gestapo, 347 avenue Louise à Bruxelles. Ils vont séjourner ensuite quelques semaines ou quelques mois à Breendonck ou dans les prisons belges en attendant que soit prise la décision d’un jugement en Belgique ou du transfert en Allemagne.
Fin 1941, Hitler fait promulguer le décret «Nacht und Nebel » « Nuit et Brouillard ».
Il vise à intimider les populations des pays occupés par les mesures les plus rigoureuses prises à l’encontre des auteurs d’actes anti-allemands.
Dans les territoires occupés, la peine de mort est à appliquer pour les délits commis par des civils contre le Reich ou le pouvoir d’occupation.
Les conseils de guerre en pays occupés ne jugeront ces actes que s’il apparaît probable que la peine de mort sera prononcée et exécutée très rapidement.
En application du décret N.N., ceux pour qui les juridictions militaires, débordées, ne sont pas en mesure de prononcer une condamnation à mort immédiate, seront transférés en Allemagne « dans la nuit et le brouillard ».
Sur les bordereaux de transfert, à côté des noms des prisonniers politiques N.N. figure la mention : « les conditions en vue d’un jugement dans les territoires occupés ne sont pas données ».
Ils seront mis au secret, complètement isolés du monde extérieur : pas de visite, pas de lettre, pas de colis. On ne peut rien laisser savoir du sort de ces déportés, les lettres d’adieu et les testaments des condamnés à mort ne seront pas transmis ; ni la famille, ni la presse ne seront avisées du décès ou de l’exécution d’un prisonnier N.N. ; leurs tombes ne porteront pas les noms des défunts.
Cette volonté délibérée de faire disparaître tous les N.N. se manifestera en 1945 par l’organisation de « Marches de la Mort », des marches forcées dans lesquelles les prisonniers sont exterminés à mesure qu’ils tombent épuisés au long des routes.
Dans les camps de concentration, les prisonniers N.N. ne travaillent pas dans des commandos extérieurs, ceci afin d’éviter tout contact. De même, dans les prisons, ils sont mis au secret dans des quartiers isolés. Cet isolement est insupportable ! Cette mise au secret constitue une véritable torture mentale, pour y résister les prisonniers déploient des trésors d’inventivité afin de s’informer et communiquer entre eux. A Esterwegen, un F.M, l’agent commercial JEAN SUGG, va risquer sa vie pour ramener de la« Kamer » un écouteur qui permettra de réaliser un poste-récepteur à galène.
En 1943, le camp d’Esterwegen va être organisé de manière à respecter strictement les impératifs de mise au secret du décret « Nacht und Nebel »
A l’arrivée, les prisonniers sont brutalement débarqués des camions.
Dans la nuit, on devine l’entrée monumentale par quelques traits des lampes torches.
Entrée monumentale du Camp d'Esterwegen
Les « simples gardiens de prison » font l’accueil à leur manière.
Leurs ignobles injures, les coups de leurs longues matraques, les aboiements et les morsures des chiens féroces… On le comprend vite, on quitte un monde pour un autre totalement différent … !
Un mirador.
Schéma d’ensemble du camp
Isolé en pleine campagne marécageuse, le camp est entièrement entouré d’un mur de 6 mètres de haut. A chaque coin, un « mirador » avec des gardes armés pour tirer sans sommation sur tout prisonnier qui ne respecterait pas l’interdiction de circuler entre les baraques.
Une large allée centrale est bordée de part et d’autre de hauts barbelés très serrés. Elle sépare :
- la partie nord, réservée aux prisonniers allemands de droit commun.
- de la partie sud, destinée à recevoir les prisonniers politiques N.N. venant essentiellement de Belgique (plus de 80%) et de France Nord - Pas de Calais (10%) - auxquels seront joints quelques Hollandais ou autres.
Toutes communications entre prisonniers des deux parties du camp, étaient interdites et rendues impossibles par la séparation centrale, et les miradors d’où les gardes étaient prêts à tirer.
Réservées aux prisonniers politiques N.N., les 10 baraques de la partie sud, s’alignent parallèlement, à bonne distance l’une de l’autre, face à l’allée centrale.
Au milieu du camp, un espace plus grand entre deux baraques : nous l’appelons la « Place Rouge ». Au centre de la place, une sinistre potence, menace permanente pour ceux qui voudraient tenter de s’évader.
Les baraques 5 et 6
Dans chaque baraque, un sas d’entrée précède l’enfilade de deux grandes pièces, le séjour et le dortoir et une petite salle d’eau.
Le séjour-réfectoire : de part et d’autre d’un couloir central : 2X5 tables, avec deux petits bancs sans dossiers. Elles comportent chacune 10 à 14 places assises. Derrière chaque place, une case en tôle pour le prisonnier.
Au bout du couloir central à côté de la porte de communication menant au dortoir, un poêle rudimentaire est censé chauffer toute la baraque quand on y brûle quelques rares morceaux de tourbe. Le rayonnement sensible ne dépassera jamais 2 ou 3 mètres.
Le dortoir vient ensuite avec ses châlits superposés. Sinistre…
Des volets cachent les fenêtres en permanence. Pendant la journée c’est la pénombre, la nuit aucun éclairage. Il y fait toujours glacial et humide.
Au coucher, les prisonniers doivent se dévêtir dans le séjour avant d’être enfermés dans le dortoir. Ils se regroupent à trois sur deux couchettes de manière à réunir leurs couvertures et à se réchauffer mutuellement.
L’interminable nuit commence par des conversations à voix basse qui diminuent progressivement. Elles sont peu à peu remplacées par les ronflements, les cris, les gémissements et les hurlements qui peuplent les cauchemars des dormeurs…
En même temps, dans l’obscurité totale, c’est un incessant va-et-vient vers le fond de la pièce où se trouve la porte à deux battants vers la salle d’eau.
La salle d’eau est nettement plus petite.
La pièce est traversée par 2 longs bacs avec une vingtaine de robinets à faible débit d’eau. Un trou dans le sol pour évacuer l’urine, en face, un tonneau pour les excréments.
Au fond de la pièce, une porte donne sur l’extérieur à l’arrière de la baraque où se trouvent les latrines collectives seulement accessibles pendant une demi-heure le matin, lors de la «promenade sous surveillance ». Pendant celle-ci aucun contact n’est permis avec les prisonniers des autres baraques.
Les mesures de secret imposées par le décret « Nacht und Nebel » sont donc strictement respectées. Elles vont conditionner la vie des prisonniers politiques d’Esterwegen et, paradoxalement sans doute, jouer un rôle majeur dans la création hasardeuse, dangereuse mais unique, de la Loge Liberté Chérie.
En effet, tout contact étant interdit avec qui que ce soit, les N.N. ne peuvent être placés sous la surveillance directe de prisonniers de droit commun allemands choisis par les S.S. Dans les autres camps de concentration, ces « kapots » introduits dans les baraques par les S.S. sont des « mouchards » qui brutalisent et massacrent ceux qu’ils considèrent comme leurs esclaves.
La gestion du camp reste donc aux mains des gardiens de prison qui s’y trouvaient au moment où les « N.N. » ont commencé à occuper la partie sud.
Multipliant les coups, les brimades, les humiliations, les exactions et sévices de tous ordres, ces « simples gardiens de prison » vont manifester une ardeur exceptionnelle pour exécuter la mission qui leur est confiée.
Survenant à l’improviste dans les baraques, armés de leurs longues matraques, ils distribuent des coups violents aux malheureux qui restent à leur portée.
Pour prévenir toute surprise et éviter les brutalités des gardiens, dès l’arrivée des premiers convois, les prisonniers vont organiser dans les baraques des gardes permanentes du lever au coucher de manière à ce que TOUS les prisonniers soient avertis du danger.
En 1947, au procès d’Oldenburg, les gardiens d’Esterwegen sont condamnés pour ‘’crimes de guerre’’ accusés d’avoir provoqué la mort de détenus et d’avoir porté des coups et blessures ou sévices graves à des centaines d’autres.
Lors de son interrogatoire, le docteur Hillman, médecin chef des camps de l’Emsland déclare :
(Le Soir 28 mars 1947)
- les prisonniers se trouvaient dans un très mauvais état physique…
- le 1er. cas de tuberculose fit son apparition le 1er juin 1943, le 1er. cas de diphtérie le lendemain, soit quelques jours à peine après l’arrivée des N.N.
- Selon lui la plupart des victimes décédées ne seraient pas mortes si elles avaient été nourries suffisamment pour combattre efficacement la maladie.
Mais, le Dr. Hillman se garde bien de dire que la misérable ration alimentaire prévue sera amputée de diverses manières avant de parvenir aux prisonniers N.N.
En effet, comme dans la plupart des camps, il y a une porcherie dont les pensionnaires sont élevés au bénéfice des gardiens et de leurs familles. Les porcs sont bien sûr engraissés grâce à des prélèvements sur l’approvisionnement destiné aux prisonniers.
Ce qui reste de provisions alimentaires parvient ensuite à la partie Nord du camp, où se trouvent les cuisines et, ce sont alors les prisonniers allemands de droit commun qui sont chargés de préparer la pitance.
Bien évidemment ceux-ci se servent en 1er lieu avant de céder ce qui reste aux N.N.
En fait, la ration quotidienne qui est attribuée à ceux ci est de 800 à 1000 calories !!!
Aussi les prisonniers maigrissent régulièrement de 4 à 5kg par mois et meurent d’inanition quand ils n’ont pas été décimés par les sévices de tous ordres qu’ils ont subis et les maladies qu’ils ont contractées : tuberculose, diphtérie, scorbut, dysenterie et autres…
Il est bien vrai que le camp d’Esterwegen n’a pas été communément le théâtre des atrocités connues dans d’autres camps plus tristement célèbres.
Mais il est également vrai que l’on y mourait de faim – au sens littéral du mot- et que la faim déforme petit à petit la psychologie de celui qui en souffre.
Il était des jours où l’on vivait une véritable atmosphère de folie…
A Esterwegen, c’est l’anéantissement à petit feu dans l’isolement complet, la privation systématique, l’avilissement progressif et l’esclavage sans issue.
Devant cette unique et inéluctable « certitude », il fallait avoir la tête solidement vissée au corps pour garder son courage et maintenir celui des autres.
…devoir, à longueur de journée subir les assauts de la faim, se sentir sucer les dernières gouttes d’un sang appauvri par les poux et les punaises…
Ne plus jamais recevoir de nouvelles des siens, entendre les râles des mourants, voir les cadavres jetés nus devant les portes des « blocs », toutes ces horreurs s’acharnaient à vous briser les dernières fibres de votre résistance physique et morale !
Mais en dépit de tout, les patriotes de tous rangs, communièrent dans le même optimisme.
Parmi eux malgré leur détresse, quelques F Maç réunis dans une même baraque vont trouver le courage de surmonter leurs misères et d’affronter tous les dangers pour créer et organiser une Loge Maçonnique.
Ils marqueront à jamais ceux qui leur ont été proches.
Les deux premiers convois de prisonniers politiques « N.N. » arrivent à Esterwegen dans la seconde quinzaine de mai 1943.(les 21 et 28 mai 1943). Ils viennent de Bochum où ils étaient emprisonnés depuis de longs mois.
Parmi les premiers arrivants, 2 F Maç Franz ROCHAT et Jean SUGG.
Franz ROCHAT a 35 ans,il est né à Saint-Gilles le 10 mars 1908.
Initié à la L « Les Amis Philanthropes » pendant ses études à l’U.L.B.
Pharmacien , Docteur en Sciences Pharmaceutiques
Chef de Service puis Directeur Technique des Laboratoires Optima à Bruxelles.
En mai 1940, il fait la campagne des 18 jours comme lieutenant-pharmacien.
Son activité clandestine débute en 1941
Collaborateur au journal clandestin « La Voix des Belges ».
Il est actif dans les Services de Renseignements et Action et Chef de Groupe de l’Intelligence Service en Belgique.
Il est arrêté le 28 février par la Geheimfeld Polizei pour espionnage et aide à l’ennemi
5 mois plus tard, son transfert en Allemagne est décrété par le Gouvernement militaire.
Il arrive à Bochum dans un groupe de 37 prisonniers arrêtés dans la même affaire, « le réseau Mill ».
Il sera transféré à Esterwegen en mai 43 en même temps que son ami Jean SUGG.
Jean SUGG, a 46 ans et est d’origine suisse allemande.
Comme Franz ROCHAT, il est membre de la même L « Les Amis Philanthropes »
Agent commercial en pharmacie, il le connaît professionnellement depuis plusieurs années et est son ami.
Actif dans la résistance dès 1941, il collabore avec lui dans la diffusion de la presse clandestine dont « La Voix des Belges » et traduit notamment des textes allemands et suisses.
Il participe aussi à l’aide aux réfractaires et aux aviateurs.
Il est arrêté par la Geheimfeld Polizei le 21 mars 1942
Inculpé d’espionnage et d’aide à l’ennemi comme Franz ROCHAT.
Il est transféré avec lui à Bochum et à Esterwegen
Parmi les arrivants du 2ième convoi venant de Bochum, deux autres F Maç : Guy Hannecart et Paul Hanson.
L’avocat Guy Hannecart, 40 ans, a été initié à la L « Les Amis Philanthropes n°3 ».
Dès 1941, il est membre du Directoire National du Mouvement Nl. Belge.
Avec Louis Schmidt, il dirige le clandestin « La Voix des Belges » auquel collaborent également Franz Rochat et Jean Sugg.
Tous trois se connaissent donc bien avant leur arrivée à Esterwegen.
Guy Hannecart est arrêté le 27 avril 1942, transféré à Bochum 8 mois plus tard, puis à Esterwegen le 28 mai 1943.
Le second est le Juge Paul Hanson, âgé de 54 ans .
Il est membre de la L Hiram à l’Orient de Liège.
Docteur en droit de l’Université de Liège, il est successivement avocat au Barreau de Liège, Substitut du Procureur du Roi à Mons puis à Liège et, en 1937, Juge de Paix du Canton de Louveigné. Il est arrêté le 23 avril 1942.
Depuis 1941, il participait à un Service de Renseignements et d’Action comme les trois précédents.
En mars 1942, il rend un jugement en faveur de 121 agriculteurs qui refusent le paiement de cotisations à la « Corporation Nationale de l’Agriculture et de l’Alimentation » créée par l’occupant.
Le jugement de Paul Hanson favorable aux paysans déclare la C.N.A.A. anticonstitutionnelle et « sans existence légale ».
Un mois après, le 23 avril 1942, il est arrêté. Il est emprisonné pendant 3 mois à la prison Saint Léonard. Il est ensuite transféré à Bochum puis Esterwegen
Le juge Hanson aurait été arrêté sur dénonciation d’un collègue magistrat catholique et, comme celui des autres fondateurs de la L Liberté Chérie, son nom figurait sur les listes de F M publiées dans les journaux d’extrême droite avant la guerre.
Le fait étant connu des nazis, sans en faire étalage, le Juge Hanson ne cachait pas qu’il était F Maç
Le 28 mai 1943, arrive aussi Fernand Erauw, âgé de 29 ans
Directeur au Ministère – Vérificateur à la Cour des Comptes.
Lieutenant de l’Armée Secrète, arrêté le 4 août 1942 pour «aide à l’ennemi«.
D’abord à la prison de Saint-Gilles pendant 2 mois et 10 jours, puis à Bochum et enfin à Esterwegen.
Il sera le seul initié à la L Liberté Chérie.
Tous les 5 sont donc à la baraque.6 dès leur arrivée au camp et les 4 FF n’ont guère tâtonné pour se retrouver et se regrouper à la table 3.
Ils vont y créer le Cercle Fraternel qui deviendra La Loge LIBERTE CHERIE.
Les 2 premiers convois ont donc amené 800 prisonniers à Esterwegen, ils sont répartis dans l’ensemble des baraques et, au début, aucune de celles-ci n’a un effectif trop nombreux.(+/- 80 prisonniers)
Les vides se combleront peu à peu à l’arrivée de nouveaux convois venant de Belgique et du Nord-Pas-de-Calais, notamment en octobre, novembre et décembre 1943.
Dans la baraque 6, la population est des plus diversifiées, on y trouve des militaires de carrière, des fonctionnaires, des médecins, des juristes, des ingénieurs, des prêtres, des enseignants, des étudiants, des journalistes, des commerçants, des ouvriers, des artisans, des aristocrates…et, un unijambiste Liégeois qui faisait profession de mendiant au Quai de la Batte…
Les regroupements aux tables se font en fonction des origines régionales, par affinités et par organisations de résistance.
Les catholiques se rapprochent des deux prêtres et occupent surtout la partie droite de la baraque .Le soir, ils psalmodient des prières collectives à haute voix.
Beaucoup moins nombreux, surtout au début, les « non-croyants » sont principalement aux deux premières tables avec le chef de baraque, Ephrem Van den Eede, et les partisans armés et aux autres tables de la partie gauche nettement plus clairsemées.
A l’une de ces tables, les FF Rochat, Sugg, Hannecart et Hanson, leur « Cercle Fraternel » y sera pratiquement en réunion permanente.
Le dimanche matin, les catholiques se réunissent dans le dortoir pour y entendre la messe célébrée par le Père Agnello qui est aveugle et l’Abbé Heymans.
Pendant ce temps, les F Maç profitent de leur absence pour s’installer à une table délaissée par les catholiques et tiennent leurs réunions en toute quiétude à l’abri des regards indiscrets grâce aux armoires individuelles qui séparent les tables.
Les 12 membres du R.N.J. et les 7 Francs-Tireurs Partisans Français sont en réunion à une autre table.
Les autres non-croyants restés dans la salle de séjour, le Chef de baraque, Ephrem Van den Eede, 2 ou 3 de ses amis et 4 ou 5 Partisans armés dont René Deprez sont restés aux tables de part et d’autre de l’entrée. Ils surveillent le chemin de ronde et assurent la garde permanente.
François l’unijambiste se tient à la porte du dortoir et en cas d’alerte, répercute le signal dans le dortoir.
Toutes les réunions sont alors interrompues et chacun reprend sa place dans le réfectoire et s’y tient debout en silence.
Quelques non-croyants assurent cette garde renforcée du dimanche matin et protègent en même temps la sécurité de la messe des catholiques, de la tenue de Loge maçonnique et celle de la réunion des Jeunes du R.N.J. et des F.T.P. Français.
Il est évident que les F Maç ont profité de l’éloignement des nombreux catholiques pendant la messe pour se réunir dans des conditions de moindre promiscuité.
Le « Chef de baraque », Ephrem Van den Eede, assistant social, échevin socialiste de Renaix, est bilingue et se débrouille très bien en allemand. Très courtois, il est apprécié de tous et maintient la concorde entre les différents groupes. C’est bien entendu avec son approbation qu’a été organisée la garde permanente.
Jean Sugg, qui parle l’allemand lui aussi, est « interprète – homme de confiance » et travaille régulièrement dans les services administratifs du camp.
De ce fait il a accès à « l’effectkamer » où sont entreposés les sacs contenant les vêtements et objets personnels des prisonniers.
L’un de ceux-ci va lui demander de prendre, dans son sac, un écouteur téléphonique grâce auquel les prisonniers vont réaliser le poste-récepteur à galène qui permettra de capter les communiqués de Radio-Londres.
Ils seront ensuite lus à haute voix dans les baraques et ces parias, que les nazis s’efforcent d’isoler totalement du reste du monde, sont finalement mieux informés que leurs gardiens sur le déroulement des opérations militaires.
Pour les prisonniers, c’est surtout excellent pour garder un bon moral, indispensable condition de survie.
Après les deux premiers convois importants de mai 1943, dans les mois qui suivent, les arrivées se succèdent par petits groupes venant de Belgique après une courte étape d’un jour ou deux à la prison de ESSEN.
Le 28 août 1943, l’Abbé Froidure arrive à Esterwegen et, après un court séjour en baraque, il est admis au « Revier – Nord » dont il fera une terrible description, dans son livre « Le Calvaire des Malades au Bagne d’Esterwegen » publié en 1946.
Le 12 octobre 1943, (donc 4 mois et demi après l’arrivée des 4 premiers) le journaliste, Luc Somerhausen, arrive à la baraque 6.
Agé de 40 ans il a été initié à la L Action et Solidarité en 1925.
Député auprès de GOB, Gr Secr Nat Adj de la Gr Commission, il est bien connu dans les milieux Maç
Adjudant aux Services de Renseignements et d’Action, Juif, communiste et FM il a vraiment tout pour plaire aux Nazis.
Il est arrêté par la Gestapo le 28 mai 43, transféré en Allemagne 4 mois plus tard.
A la baraque 6, il rejoint la table des 4 FF qui l’y ont précédé.
Le Cercle Fraternel compte donc ainsi 5 membres. Comme il connaît le mieux la procédure à suivre, il sera à l’origine de la création de la L. Liberté Chérie.
En ce mois d’octobre 1943, d’autres groupes de prisonniers entrent à la bar.6. Parmi eux, quelques Partisans Armés Liégeois dont René Deprez qui vit toujours actuellement en 2009 à Durbuy.
Le 15 octobre 1943, le Docteur Joseph Degueldre, un médecin de Pépinster arrive avec un groupe de l’Armée Secrète de la région de Verviers.
Âgé de 39 ans, il a été initié à la L Le Travail en 1933.
Membre de l’Armée Secrète depuis 1941, il a été agent actif de « Solidarité »
Depuis la mi-1942 il appartenait à un Service de Renseignements et d’Action, le « S.A.R Bayard » en qualité de Chef de Sous-Section de Pépinster et environs.
Arrêté sur dénonciation le 29 mai 1943 et interné à la citadelle de Liège.
5 mois plus tard, le 10 octobre 1943, il est déporté en Allemagne.
Après 5 jours à la prison d’Essen, il est envoyé à Esterwegen le 15 octobre.
A la baraque 6, avec ses six compagnons ils s’installent à la table 2.
J. Degueldre ne se joint pas aux 5 FF à la table 3 et reste très discret, ses compagnons résistants de Verviers ne sachant pas qu’il est F Maç
Il rejoint cependant les 5 FF de temps en temps et notamment le dimanche matin lorsque ses compagnons de la table 2 sont à la messe.
Dès octobre 1943, ils sont donc 6 à participer aux travaux du Cercle Fraternel.
En octobre 1943 arrive également Fernand Van Horn, le journaliste caricaturiste Horn du Journal « Le Soir ». Luc Somerhausen lui demandera de réaliser « un dessin symbolisant la lutte pour la liberté pendant la captivité qui servira de tapis de Loge.
Le 15 novembre 1943, nous arrivons à 15 dirigeants nationaux et régionaux du Rassemblement National de la Jeunesse, une section du Front de l’Indépendance.
Membres du « R.N.J. » depuis 1941, nous avons tous été pris par la Gestapo de Bruxelles, entre le 25 juillet et le 3 août 1943, dans une série de plus de cent arrestations en cascades que l’historien José Gotovitch appellera « La Razzia de Juillet 1943 ».
Après quelques jours d’interrogatoires musclés au siège de la Gestapo à Bruxelles au 347 avenue Louise, nous sommes restés 3 mois à la prison de Saint-Gilles avant le transfert en Allemagne, via Essen et Esterwegen.
Le 16 novembre 1943, 3 d’entre nous sont à la bar.5 et 12 à la baraque 6. Placés aux tables incomplètes, côté gauche de la baraque, 6 sont à la table 3 avec les F Maç, les 6 autres aux tables voisines.
Jean Lagneau, licencié en sciences, diplômé de l’Université Libre de Bruxelles, Professeur à l’Athénée de Virton, peintre et historien de l’art, il est aussi journaliste communiste. Il s’installe à côté de son collègue Luc Somerhausen qu’il connaît bien et qu’il sait F Maç
Joseph Berman, jeune juif bruxellois d’origine polonaise connaît lui aussi Luc Somerhausen. Il fait face à Jean Lagneau et est assis à côté du pharmacien Franz Rochat qui va rapidement s’attacher à lui.
Berman, très intelligent et dynamique va sympathiser avec tous.
En 1992, peu avant sa mort, il écrit un récit de captivité avec de saisissants portraits de compagnons tels qu’il les a connus alors qu’ils étaient déjà en Allemagne depuis plus d’un an dont 6 mois à Esterwegen.
Voici, entre autres, ce qu’écrit Joseph Berman :
« Le premier jour à la baraque 6 j’ai été placé à côté d’un homme très grand et squelettique. Il s’appelait ROCHAT, il était pharmacien et avait enseigné à l’U.L.B.
Il savait à peine se tenir debout, il parlait très lentement et avec grand peine.
Il n’était plus capable d’aller chercher sa ration et c’est tout naturellement que je me suis mis à son service. Je l’aidais comme je pouvais, il était si faible qu’il s’appuyait sur moi pour chaque déplacement. Sa longue captivité et la sous-alimentation l’avaient complètement épuisé. A la douche, c’était un squelette vivant, sa peau pendait comme un linge. Une ampoule électrique éclairait la salle de douche et il me semblait voir son squelette comme sur une radiographie.
Comme s’il s’agissait d’une fatalité, il savait que pour lui c’était trop tard, ses forces diminuaient de jour en jour. Il voyait venir la fin.
Il rêvait d’un tube de lait concentré, cela lui semblait le summum de la gastronomie.
Il n’est pas rentré… Il était impossible que dans son état fin 1943, il ait pu tenir jusqu’à la libération.
Guy Hannecart était un intellectuel, comme beaucoup de compagnons, il écrivait et utilisait pour cela une mine de crayon fixée sur un support de bois et le papier hygiénique qui nous était distribué parcimonieusement.
A chaque distribution, je réservais quelques feuilles de papier à Guy Hannecart, c’est ainsi que j’ai sympathisé avec lui. Il écrivait des pièces de théâtre. Nous eûmes l’occasion d’apprécier son talent lors d’une des soirées que nous organisions certains soirs après l’appel. La lumière éteinte créait l’ambiance et, dans l’obscurité et le silence, nous avons écouté une pièce d’une grande intensité dramatique qui nous a tous émus. Ce fût un moment de rêve et d’évasion, nous étions tous sous le charme.
A l’époque, Guy Hannecart était encore l’un des plus valides parmi le groupe des F Maç qui avaient déjà près de deux ans de captivité.
Il avait une barbe superbe, blonde ou châtain clair, longue et étalée à la manière de Léopold II. Il émanait de sa personne, une force spirituelle, une dignité qui en imposait à tous. Le dr. J. Degueldre le surnomma « L’Empereur à la Barbe Fleurie ».
Puis il y eut une inspection du camp par des officiers S.S. Sans doute trouvèrent-ils que nous ressemblions encore trop à des hommes. Ils donnèrent l’ordre à nos gardiens de nous faire raser, de supprimer les barbes et les moustaches.
Pour Guy Hannecart, ce fut tragique. Sa barbe faisait partie de sa personnalité depuis sa jeunesse, elle lui donnait un style. Quand elle fut coupée, apparut un visage émacié, un cou maigre et fripé. Il n’était plus « l’Empereur à la Barbe Fleurie », il n’était plus qu’un détenu pitoyable, déguenillé et anonyme.
Il m’a semblé que sa vitalité et son énergie se trouvaient dans sa barbe. En la perdant, il perdit tout à coup sa superbe, son courage et sa volonté de vivre. Guy Hannecart est mort non pas de sévices corporels ni de tortures physiques, il est mort de mort lente, épuisé par la faim, et par une trop longue captivité.
Mais je reste convaincu que ce qui lui a porté le coup fatal, c’était d’avoir perdu sa barbe, par ordre d’un fonctionnaire arrogant et stupide qui pour affirmer la supériorité de sa race, voulait réduire les prisonniers à un troupeau anonyme de sous-hommes. De toutes les misères que nous avons vécues, rien n’est oublié, cela est comme occulté. Comme si mon esprit voulait rejeter les moments, pénibles dans l’ombre et mettre une lumière éclatante sur les moments de camaraderie, de solidarité et de chaleur humaine que nous avons partagés et qui nous ont aidés à survivre.
Le Docteur Joseph Degueldre de Pépinster avait quarante ans à l’époque.
Il avait été arrêté avec tout un groupe dont Henri Merland et le Baron Albert Del Marmol. C’était un personnage attachant, depuis Esterwegen jusqu’à notre libération, nous ne nous sommes pas quittés. Il avait un moral d’acier et malgré les circonstances beaucoup d’humour. Il veillait sur nous les jeunes comme un père. Il m’appelait le petit « Joseph » avec son accent de Verviers. Il avait un répertoire de chansons de carabins qu’il chantait fort bien lors des soirées que nous improvisions et nous reprenions les refrains au grand dam de certains curés scandalisés. On peut dire qu’il a contribué pour beaucoup au maintien du moral dans notre baraque. Je crois qu’il avait reporté sur nous l’affection qu’il ne pouvait donner à sa famille… Il m’a appris beaucoup de choses. Quand je pense à lui, c’est avec beaucoup d’émotion, non pas comme à un père mais plutôt comme à un frère aîné. Je considère que j’ai eu beaucoup de chance de vivre à ses côtés pendant près de 2 ans. »
Le juge Paul Hanson a 54 ans et, après un an et demi de captivité, c’est déjà un vieil homme. Grand et fort avant son arrestation, il est terriblement amaigri lui aussi. Il est de ceux qui souffrent le plus de la faim.
Malgré ses misères physiques, le juge Hanson garde toute sa lucidité et ses avis font autorité. Lors d’une mémorable discussion, chacun s’interroge quant à savoir si des compagnons ont éventuellement faibli devant les interrogateurs nazis.
Le Juge Hanson clot les débats par un constat terrible mais d’une logique implacable : « Messieurs, s’il n’y avait pas de dénonciateurs parmi nous, nous ne serions pas si nombreux. »
Jean Sugg, détaché à la « Kamer » comme ‘interprète homme de confiance‘, était peu présent à la baraque 6 et très discret. Nous l’avions surnommé « Sucre »
Nous ne savions pas comment avait été réalisé le précieux poste à galène et ignorions la contribution importante de Jean Sugg qui, au péril de sa vie, avait réussi à ramener l’écouteur subtilisé à l’Effectkammer.
Mais il était toujours le premier à nous annoncer l’arrivée des convois de nouveaux prisonniers venant de Belgique et, tous les dimanches matin, il participait aux réunions du Cercle Fraternel, plus tard, aux travaux de Liberté Chérie.
Arrêté, un an après les 4 premiers, Luc Somerhausen, n’est arrivé à Esterwegen que depuis un mois. A 40 ans, il est encore relativement en bonne forme.
Il a régulièrement de longs entretiens avec son collègue journaliste Jean Lagneau et son ami l’avocat communiste Fernand Lecocq arrêtés en même temps comme membres du Comité National du R.N.J.
Parfois, le président national du R.N.J., l’Abbé Bourguignon, prend le risque de quitter subrepticement la baraque 5 pour venir se joindre à eux.
Ces amis érudits, unis dans la lutte contre les nazis, se donnent la contradiction. Ils s’affrontent et opposent leurs arguments avec toute leur fougue.
Ils ont soin pourtant de défendre leurs convictions philosophiques et politiques tout en restant courtois, à l’écoute l’un de l’autre.
Dans ces échanges :
- le prêtre Bourguignon est le bouillant zélateur.
- Imperturbablement tolérant et amical, le scientifique Jean Lagneau est toujours prêt à douter et n’admet que l’évidence.
- Lecocq est une sorte de timide, un faux sceptique qui cache pudiquement sa générosité débordante sous une argumentation parfois caustique.
- A 40 ans, le F Maç Luc Somerhausen est l’aîné, le sage.
Les 3 dirigeants du R.N.J., le prêtre et les deux militants communistes qui n’ont pas 30 ans, l’apprécient comme un médiateur qui, par sa seule présence tempère et catalyse leurs divergences.
L’Abbé Bourguignon et le docteur Degueldre sont tous deux de Verviers et se connaissent bien. Parfois, le Dr. quitte la table 2 pour le rejoindre à la table 3 tandis qu’avec les deux frères Cauvain et le F.T.P. Français Abel Duthois nous venons assister à la réunion à laquelle bientôt les 5 autres F M participent eux-aussi.
Nous étions jeunes alors et nous avons assisté, avec toute notre soif d’apprendre à ces merveilleuses joutes oratoires entre ces divers personnages érudits. C’était pour nous une école, une sorte d’université qui allait laisser une trace profonde et, plus tard, influencer toute notre vie.
Dès les premiers jours à la baraque. 6, par Joseph Berman qui sympathise avec Franz Rochat et, Jean Lagneau ami de Luc Somerhausen, nous avions fait connaissance des 5 FF qui ne nous cachent pas leur appartenance à la F Maç.Par contre, le Dr. Degueldre restera toujours très discret à ce sujet, pourtant nous étions devenus de très bons amis. Ce n’est que bien longtemps après notre retour que nous en avons eu connaissance et tout récemment j’ai appris qu’il avait été initié en 1933.
A la baraque, la vie est faite de la succession d’interminables journées d’inactivité et le premier objectif est de garder le moral cette indispensable condition de survie.
Une brève promenade sous surveillance étroite sera le seul moment d’interruption.
L’attente est pénible, la nourriture médiocre ne peut jamais calmer la faim lancinante qui tord l’estomac de crampes douloureuses et rend fou.
Réunis par petits groupes, les prisonniers s’occupent en de longues discussions autour de divers conférenciers.
Les aînés organisent des cours au profit des plus jeunes, des conteurs choisissent des sujets particulièrement intéressants et divertissants.
A leur table, au centre de la partie gauche de la pièce, les F Maç marquent le déroulement des débats et leurs interventions sont très appréciées tant par la pertinence de leur argumentation que par leur attitude de tolérance.
Souvent aussi, ils se rapprochent et s’entretiennent discrètement en petit cercle essayant d’éviter les importuns.
Parfois, l’un des jeunes se met à fredonner…« Le temps des cerises », des chants révolutionnaires et est bientôt rejoint pour des chœurs improvisés notamment pour interpréter leur version du « Chant des Marais ».
Pour les chrétiens, la prière occupe une place importante. Individuelle, elle est muette ou discrète à voix basse ; collective, elle est l’occasion de neuvaines dont la litanie couvre la voix des autres prisonniers non croyants.
Le dimanche matin, les fidèles se réunissent au fond du dortoir pour une messe sans cérémonie ni communion.
Au même moment, profitant de leur absence, les FF s’isolent discrètement à une des tables délaissées, le Cercle fraternel y tient réunion et c’est là que, plus tard, la R L LIBERTE CHERIE sera en travaux.
A la baraque 6 les participants à la messe étaient les plus nombreux, il y avait pourtant plus de trente prisonniers qui s’en abstenaient : les Fr Maç, les 12 membres du Rassemblement Nl. de la Jeunesse, les 4 ou 5 P. A., les 7 FTP.français, le chef de baraque Ephrem Van den Eede, l’unijambiste Liègeois François,…
Le 22 novembre 1943, un 7ième F Maç arrive à la baraque 6 : Amédée Miclotte, âgé de 41 ans
Membre de la « L Les Vrais Amis de l’Union et du Progrès Réunis »
Docteur en philosophie et lettres, il est professeur à l’Athénée de Forest
Chef de section lui aussi aux Services de Renseignements et d’Action
Il est arrêté, pour espionnage par la Geheim Feld Polizei le 29 déc. 1942.
Il n’arrivera que 11 mois plus tard à Esterwegen.
Ce 7ième Franc-Maçon rend la Loge juste et parfaite.
Luc Somerhausen prépare le Cercle Fraternel à devenir une Loge régulière.
Les modalités de la fondation furent exposées en détail aux cours de diverses réunions préliminaires par le F Somerhausen que sa qualité de député au Gr O et de membre de la Gr Com où il exerçait les fonctions de Gr Secr Adjoint avait familiarisé avec la procédure et les règles de formation des nouvelles Loges.
Les fondateurs rédigent un texte de statuts d’une grande brièveté.
Ils se mettent en relation avec le dessinateur Fernand Van Horen, « Horn » du Journal Le Soir arrivé à Esterwegen le 10 octobre 1943 et lui demandent de faire un dessin symbolique exaltant l’idée de la lutte pour la liberté pendant la captivité.
Les fondateurs choisissent le nom de « LIBERTE CHERIE »
Ils se sont très vraisemblablement inspirés des paroles du dernier couplet de la version du « Chant des Marais » que Luc Somerhausen chante avec nous :
Mais un jour dans notre vie le printemps refleurira
Liberté, Liberté chérie je dirai tu es à moi.
La RL LIBERTE CHERIE est donc créée dans la seconde quinzaine de novembre 1943, probablement le 1ier dimanche après l’arrivée d’Amédée Miclotte soit le 28 novembre 1943.
Les membres fondateurs sont :
Franz ROCHAT (Secrétaire) et Jean SUGG arrivés à Esterwegen le 21 mai 1943.
Paul HANSON (Vén. Maître) et Guy HANNECART à Esterwegen le 28 mai 1943
Luc SOMERHAUSEN (1ier Surv.) et Joseph DEGUELDRE arrivés en octobre 1943
Amédée MICLOTTE (Orateur) arrivé à Esterwegen le 22 novembre 1943.
Le 7 février 1944, plus de 2 mois après la création de la Loge, un 8e FM arrive :
Le F Jean-Baptiste De Schrijver âgé de 50 ans
Membre de la L « La Liberté » à l’Orient de Gand.
Colonel Breveté de l’Etat-Major.
Actif dans un groupe de la Légion Belge dirigé par le Colonel Jules Bastin et qui compte 7 officiers de carrière.
Le 2 septembre 1943, il est arrêté par la Geheimfeld Polizei et emprisonné à Louvain, pour espionnage et détention d’armes.
Le 20 sept. 1943, il entre à Brendonck où il restera jusqu’au 3 février 1944
Après une brève étape à Saint-Gilles, il est transféré en Allemagne et arrive à Esterwegen le 7 février 1944, soit 5 mois après son arrestation.
La loge ‘Liberté Chérie’ a été créée deux mois plus tôt
et J.B. de Schrijver en sera le 1er. membre adhérent.
Mais la dispersion du camp commence…
Déjà à partir du 12 février 1944, plusieurs centaines de prisonniers N .N. d’Esterwegen dont quelques dizaines de la bar. 6, sont transférés à Börgemoor.
Nous sommes dans le contingent avec les dirigeants du R.N.J. ainsi que René Deprez et l’un des fondateurs de « Liberté Chérie », le doct. Joseph Degueldre.
Nous restons à Börgermoor pendant un mois : du 12 fév.au 13 mars1944.
Pendant cette période, à la bar.6 , Joseph Degueldre étant à Börgermoor, Liberté Chérie compte 6 membres fondateurs et un adhérent J.B. de Schrijver qui occupe la stalle de second surveillant.
A son retour d’Allemagne en 1945, le F Somerhausen nous dit que peu avant son départ d’Esterwegen, le 22 février 1944, « il participa activement à une cérémonie qui, pour être aussi simple que clandestine, consista dans l’initiation du profane Fernand ERAUW à qui il avait été proposé de se joindre aux fondateurs et qui avait accepté en parfaite connaissance de cause.
Cette cérémonie eut lieu autour d’une des tables du réfectoire selon un rituel simplifié à l’extrême mais dont chaque partie était expliquée au néophyte qui participa ensuite aux travaux de l’Atelier. Fernand ERAUW sera le seul initié de « Liberté Chérie » qui compte ainsi un neuvième membre
Entre-temps, tandis qu’arrivent encore de nouveaux prisonniers N.N. venant de Belgique, des groupes de plus en plus importants quittent Esterwegen et sont transférés vers d’autres lieux de détention plus à l’intérieur de l’Allemagne.
Le 22 février 1944, Luc SOMERHAUSEN quitte Esterwegen et Liberté Chérie ne compte déjà plus que 7 FF.*. dont le nouvel apprenti Fernand Erauw.
Le 13 mars 1944, le Dr. DEGUELDRE revient à Esterwegen en même temps que les membres du R.N.J.
Le 15 mars 1944, Jean-Baptiste De SCHRIJVER part, il sera remplacé trois jours plus tard.
Le 18 mars 1944, un mois après le départ de Somerhausen, le F Henri STORY arrive à Esterwegen. Il est âgé de 46 ans
Membre de la L Le Septentrion à l’Orient de Gand.
Il en a été VM et est 31e.
Echevin de la Ville de Gand, directeur de banque.
Capitaine des Services de Renseignements et d’Action, résistant par la presse clandestine, membre du Service Socrate, du Service Zéro, du Service Luc, il entretient le contact du Front de l’Indépendance avec l’Angleterre.
Il est arrêté le 20 octobre 1943 et n’arrive à Esterwegen que 5 mois plus tard.
Il sera le 2nd membre adhérent de « LIBERTE CHERIE »
Le 24 mars 1944, dernier arrivage de prisonniers N.N. à Esterwegen .
Paul HANSON part et sera tué au bombardement de Essen le 26 mars 1944.
.
Le 15 avril 1944 un gros contingent de N.N. est transféré vers Buchenwald mais 2 commandos de cent prisonniers chacun sont directement détachés du convois.
Franz ROCHAT et 3 des dirigeants régionaux du R.N.J. font partie du 1er. qui est détourné vers la prison d’Untermansfeld.
Dans le 2nd commando, le Docteur DEGUELDRE et 4 autres jeunes du R.N.J. : Joseph BERMAN, Marcel et Marius CAUVAIN et moi-même.
Nous arrivons à la prison d’Ichtershausen où nous resterons jusqu’en avril 1945.
Les 4 Mousquetaires (en 1994)
de gauche à droite :
Joseph Berman, Marcel Cauvain, Marius Cauvain, Franz Bridoux
Le 17 avril 1944, Fernand Erauw quitte Esterwegen.
Le 31 mai 1944, les 3 derniers membres de la L.LIBERTE CHERIE : Jean SUGG , Guy HANNECART et Henri STORY partent en même temps que les derniers « Nacht und Nebel » d’Esterwegen.
Au printemps 1944, lors de cette dispersion, nos FF sont, hélas, au bout du rouleau…
Leurs parcours se différencient mais presque tous s’acheminent inéluctablement vers un même aboutissement.
- Le 26 mars 1944, Paul HANSON est tué dans un bombardement à ESSEN à 55 ans
Il était l’aîné de la L LIBERTE CHERIE.
- Le 5 décembre 1944, Henri STORY meurt à Gross-Rosen à 47 ans.
- Le 6 janvier 1945, Franz ROCHAT meurt à Untermasfeld à 37 ans.
- Le 8 février 1945, Amédée MICLOTTE meurt à Gross-Rosen à 42 ans.
- Le 9 février 1945, Jean-Baptiste DE SCHRIJVER meurt à Gross-Rosen à 51 ans.
- Le 25 février 1945, Guy HANNECART meurt à Bergen-Belsen à 41 ans.
- Le 6 mai 1945, Jean SUGG meurt à Buchenwald à 48 ans,
alors que le camp vient d’être libéré par les armées alliées.
Deux jours plus tard, le 8 mai 1945, l’Allemagne capitule…
Les « survivants »…
Des membres de LIBERTE CHERIE ont survécus et sont revenus en Belgique en mai 1945.
Après Esterwegen, Luc Somerhausen et Fernand Erauw se retrouvent à Sachsenhausen, à la fin d’un parcours atroce.
Fin avril, début mai 1945, ils sont évacués dans une « marche de la mort » qui conduit les survivants dans les bois de Crivitz. Ils y sont abandonnés par les S.S. dans la nuit du 3 au 4 mai 1945 et recueillis par les soldats soviétiques dans la matinée du 4 mai. Ils quittent ceux-ci pour rejoindre les troupes alliées.
Le 20 mai, ils sont pris en charge par une mission de la Croix-Rouge et, rapatriés à Bruxelles le 21 mai 1945.
Tous 2 sont mal en point: Fernand Erauw malgré son mètre 84, pèse 32 kg.
Quant à Luc Somerhausen un rapport médical signale : « nervosisme, amaigrissement, tachycardie, point pleurétique, scorbut, double perforation du tympan, diminution de l’acuité visuelle et de la mémoire ».
Il sera hospitalisé et la guérison tardant il fait un long séjour à Chamonix.
En août 1945, Luc Somerhausen révèlera l’existence de Liberté Chérie en demandant sa reconnaissance par le Grand Orient de Belgique.
Contrairement à ce que l’on a affirmé antérieurement il n’y eut pas deux survivants de la Loge d’Esterwegen mais TROIS.
Le 3ème, le Doct. Joseph Degueldre ne s’est manifesté qu’après 1975 pour affirmer avoir participé à la création de la Loge Liberté Chérie.
Après Esterwegen, le docteur Joseph Degueldre est resté avec nous, dans le commando de 100 à la prison d’Ichtershausen en Thuringe jusqu’en avril 1945.
Le 30 mars 1945, le commando de la prison d’Ichtershausen est transféré par train vers la prison de Wolfenbuttel.
C’est dans cette prison que l’on exécute les prisonniers par décapitation. Après une quinzaine de km, à la gare d’Erfurt qui a été bombardée la veille, notre train est bloqué à quai juste à côté d’un convoi militaire armé.
Enfermés dans notre wagon nous sommes aux premières loges pour subir un nouveau bombardement intense le soir et tandis que des wagons volent en éclats sur les quais voisins, à part quelques débris de vitres le nôtre reste intact. Entre deux alertes les gardiens nous font descendre dans un abri souterrain à côté de militaires en débandade et de civils allemands complètement paniqués.
Le lendemain les voies de chemin de fer étant détruites, nous quittons la ville d’Erfurth complètement en ruine et rentrons à pied à Ichtershausen.
Le 7 avril, nous en repartons en convoi dans une « marche de la mort » vers les montagnes de Tchécoslovaquie
Le 9 avril, notre commando est réquisitionné par les autorités locales de la ville de Pössneck qui a été bombardée la veille. Nous sommes affectés au déminage des bombes non explosées. Le 11 avril, nous nous évadons à 11 avec le Dr. Degueldre
Mr. Senge
Un fermier allemand, va nous sauver en prenant le risque incroyable de nous cacher et de nous héberger tous les 11 jusqu’à l’arrivée des troupes américaines le 15 avril 1945. Nous apprendrons plus tard que ce fermier est en réalité un professeur du secondaire révoqué pour n’avoir pas voulu adhérer au Parti Nazi et qui, depuis, fait partie d’une organisation de résistance au nazisme...
En 1955 les évadés de Pössneck se retrouveront pour fêter Mr. Senge.
Le 7 mai 1945, le Dr. DEGUELDRE est rapatrié avec nous par avion militaire. Lorsque nous arrivons à Bruxelles, le tocsin sonne dans les églises.
Le lendemain, l’Allemagne capitule…
Le docteur Joseph DEGUELDRE est décédé le 19 avril 1981 à 77 ans,
Luc SOMERHAUSEN le 5 avril 1982 à 79 ans
et Fernand ERAUW le 8 avril 1997 à 83 ans.
Nous étions 12 membres du Rassemblement National de la Jeunesse à la baraque 6 à Esterwegen.
En 1944, 6 ont été condamnés par le Volksgericht et décapités à la hache :
Aimé Verneirt, Jean Lagneau, Victor Lecocq, Roger Devuyst, Maurice Orcher et Alfred Steux.
Un septième, Simon Goldberg a été pendu sans jugement parce que juif.
Cinq sont revenus en 1945 :
Jean Carlens est décédé en 2005,
Joseph Berman est décédé en 1996.
Nous sommes encore 3 en vie actuellement :
Marius Cauvain à Boussu
Marcel Cauvain à Saint Ghislain
et moi-même à Rixensart.
Mémorial sur le parvis de la RL Hiram
à laquelle appartenait le Juge Paul Hanson
VM de la RL Liberté Chérie
Ainsi, au printemps 1943, 4 FF-Maç se sont retrouvés au camp de concentration « nazi » d’Esterwegen.
Mémorial à la gloire de la RL Liberté Chérie
Malgré leurs souffrances, malgré leur santé délabrée, malgré les pires sévices, malgré les dangers permanents, ils ont le courage de se réunir en un « Cercle Fraternel » dans lequel ils reprennent leur travail maçonnique.
D’autres FF les rejoignent et, dès que les conditions requises sont réunies, ils créent une « Loge juste et parfaite ».
Comme les « Soldats de la Tourbe » en lui donnant le nom de ’Liberté Chérie’, ils lancent un vibrant cri d’espoir, mais aussi un cinglant défi aux nazis destructeurs impitoyables de toute humanité et de toute velléité de liberté à ceux qui ne partagent pas leurs convictions.
C’est un message exemplaire adressé à tous.
PLUS JAMAIS CA !!!
Désormais, nul n’en ignore, il faut écraser la « bête immonde » et rester vigilant ici et ailleurs, aujourd’hui et demain, pour éviter sa renaissance.
Avec FORCE refusons toute intolérance
Avec SAGESSE affirmons que la LIBERTE n’a de sens
Que dans l’EGALITE et la FRATERNITE
Oeuvrons ainsi à la BEAUTE du Temple de l’Humanité
Suivons la trace de nos F de ‘LIBERTE CHERIE’
Et levons bien haut le ‘Flambeau’ qu’ils ont si fièrement dressé.
J’ai dit V M
F.B. (RL A P)
18 Février 2009 RL La Bonne Amitié n°2 Léopold De Hulster - NAMUR
6 Juin 2009 RL Le Maillon (Place Simonis) - BRUXELLES
10 Juin 2009 RL La Ligne Equitable (G.L) - MONS.
5 Octobre 2009 "Amis du Commerce et la Persévérance Réuni" - ANTWERPEN
NOTE
- Première intervention : Tenue des AP le 7/1/2002
- Première présentation de ma pl : Tenue des AP du 26/5/2003
- Deuxième intervention : Tenue de la L Franchise et Sérénité à Namur le 4/9/2003
- Deuxième présentation de ma pl (écourtée) Tenue mixte inter-obédientielle devant les Loges du mercredi rue du Persil (St.Jean d'Ecosse - Hermès - La Butte aux Cailles)
3°- Union et Charité Georges Pirson (Morlanwelz-La Louvière) 15/11/2003
4°- Maison de la Laïcité Charleroi 04/02/2004
5°- Imagine Bruxelles (Persil) 20/04/2004
6°- Hiram Liège 28/04/2004
7°- La Voûte Etoilée Huy 24/09/2004
8°- Sagesse et Raison Loupoigne 29/09/2004
9°- Amitié-Charité Sambre et Lumière (Onoz) 01/10/2004
10°- Tolérance et Liberté Verviers 17/01/2005
11°- Le Juste Milieu, Action et Progrès et ACSO 80 (rue du Persil) 13/05/2005
12°- La Nouvelle Alliance G.L Waterloo 15/06/2005
13°- Les Amis Philanthropes N°2 Oméga Bruxelles 04/10/2005
14°- La Truelle (D.'.H.'.) Ath 15/12/2005
15°-C.A.L. Rixensart 08/02/2006
16°- U.P. Bruxelles 21/03/2006
17°- La Parfaite Intelligence et l'Etoile Réunies Liège 26/01/2007
18°- Action et Solidarité n°1 15/09/2008
19°- La Bonne Amitié Léopold De Huslster Namur 18/02/2009
20°- Le Franc Maillon n°1 Bruxelles TBO 06/06/2009
21 °- La Ligne Equitable Mons 10/06/2009
En projet...
Les Amis du Commerce et la Persévérance Réunis à Antwerpen 05/10/2009
A chacune des tenues où j'ai présenté cette planche le nombre de participants a été spécialement important (par rapport aux taux de fréquentations habituels) et les FF et les SS qui décoraient les col ont été particulièrement intéressés et m'ont fait part de leur émotion.
Certains se sont déplacés jusqu'à trois fois à différentes tenues pour m'entendre et me réentendre, me poser des questions parfois à propos d'un grand-père ou d'un père, d'un ami que j'ai connu et dont j'avais cité le nom ou que j'aurais pu connaître à Esterwegen.
Dans la suite, un certain nombre de communications téléphoniques de FF et de SS des différentes obédiences, pour demandes d'informations m'ont étonné ; entre autres celles d'un F, qui participe aux travaux de la GL en Flandre et alternativement à ceux d'ateliers de Ste Maxime sur la Côte d'Azur, et qui a l'intention de présenter une pl sur le sujet aux FF Français.
J'ai reçu également des coups de fil de Luxembourg, de Lausanne d'un F qui se déplace ensuite pour me rendre visite en vue d'obtenir un maximum d'information afin de présenter une pl qui a été fort appréciée le 12 avril 2005, à la RL Le Progrès à l'Or de Lausanne.
Plus tard encore c'est un Fr.'. Belge installé à Montpellier qui prend contact, vient me rencontrer chez moi pour s'informer et présente ensuite une planche à Montpellier, à Lille et à Bruxelles. J'ai également été contacté par "L'Ordre de Lyon" et L'Orient de Bordeaux. L'édition de la plaquette publiée par les A P est épuisée ainsi que celle du G.O.B. qui envisage une 3ème édition.
Un éditeur qui m'a aussi demandé d'écrire mon autobiographie qu'il voudrait publier et diffuser largement dans les pays francophones et éventuellement en traductions !!!
4/12/2009
A PROPOS DE LIBERTE CHERIE
Pièces d’un “puzzle” ?!
Le 15 novembre 1943, nous arrivons à Esterwegen dans un groupe de 15 résistants arrêtés par la “Gestapo” de Bruxelles fin juillet - début août 1943.
Le lendemain, douze d’entre - nous se retrouvent à la baraque 6 et nous y resteront jusqu’au 12 février 1944.
A cette date, plusieurs centaines de P.P. N.N. sont transférés à Börgermoor jusqu’au 13 mars 1944.Nous faisons partie de ce contingent ainsi que le Dr. Degueldre et son groupe.
Le 13 mars 1944 nous revenons à la baraque 6 et nous y resterons jusqu’au 14 avril. Nous allons quitter définitivement Esterwegen le 14 avril 1944 pour un transfert vers
l’intérieur de l’Allemagne.
Dés le jour de notre arrivée à Esterwegen , 6 membres de notre groupe sont installés à la même table que cinq FF.: 4 d’entre-eux sont arrivés dans les premiers contingents en mai 1943 : Franz Rochat, Jean Sugg , Guy Hannecart et Paul Hanson.
Le cinquième Luc Somerhausen n’est à Esterwegen que depuis le 12 octobre 1943.
Comme il connaît son collègue journaliste Jean Lagneau qui fait partie de notre groupe de 12, il l’invite à sa table et 5 des amis de Lagneau se joignent à lui.
Parmi ceux-ci, Simon Goldberg étudiant à l’U.L.B. et Joseph Berman qui eux aussi connaissent Somerhausen. Et ainsi, très vite nous sommes en relation directe avec les F.:-M.: qui ne nous cachent pas leur appartenance mais tiennent leurs réunions entre -eux, tandis que nous nous écartons discrètement.
A la table la plus proche, dans un groupe de prisonniers arrivés à Esterwegen le 15 octobre 1943, un autre F.: le docteur Joseph Degueldre de Pépinster qui ne dit pas à ses compagnons qu’il est F.*.M.*.
Bien des années après notre retour d’Allemagne nous apprendrons qu’il est Franc-Maçon et nous croirons longtemps qu’il n’a été initié qu’après la guerre.
Tout récemment, j’ai appris qu’il avait été initié en 1933 et dans une planche présentée à la Loge des Amis Philanthropes en 1982, le F.: Fernand Erauw déclare :
“ A la suite d’un article publié dans les feuillets du G.O. en décembre 1975, certains F.:F.: se sont manifestés, dont un F.: Degueldre, un médecin de Verviers qui a dit : “Moi aussi j’ai fait partie de “Liberté Chérie”...
Le 16 novembre 1943, il y a donc 6 F.: Maîtres dans la baraque et le 22 novembre lorsqu’arrive Amédée Miclotte il est le 7ième M.: et rend la L.: juste et parfaite.
A condition d’admettre que Guy Hannecart et Joseph Degueldre ont bien été deux
des fondateurs de Liberté Chérie celle-ci a donc été créée dans la seconde quinzaine de
novembre 1943 comme l’affirment le F.: Somerhausen et le F.: Erauw après lui.
Pourtant, les noms de ces deux FF:. ne figurent pas sur la liste des 7 fondateurs
présentés plus tard par le F.: Somerhausen ?!?!
-2-
Dans une première lettre, datée du 26 août 1945, soit à peine deux mois après son retour, le F.: Luc Somerhausen écrit au Sér.: G.: M.: du Grand Orient pour demander la reconnaissance de la Loge “Liberté Chérie”.
Il écrit notamment : “J’espère pouvoir reconstituer à peu près la liste des adhérents
Voici les noms de ceux qui me sont revenus à la mémoire actuellement :
Hanson +, Jean Sugg +, F. Rochat +, H.Declercq +, Van Biesbrouck +,
Hannecart +, Van Dubelen +, Amédée Miclotte ?, Notaire De Hemme ,
Louis Camu, Jean Allard.
Soit, onze noms, avec celui de Luc Somerhausen cela nous donne douze membres.
Dans sa lettre du 8 octobre 1945: “Sous la présidence de feu le F.:Hanson , la loge,
siégeant illégalement, décida l’admission sous réserve d’initiation régulière
future du prof.: Fernand Erauw fonctionnaire à la Cour des Comptes, 172
avenue Woeste à Jette. Fernand Erauw assista ultérieurement à nos réunions et, après mon départ du camp donna même une conférence.
Soit, un treizième nom cité par Luc Somerhausen.
Le 9 décembre 1945, Luc Somerhausen remercie le Sér.:Gr.:M.: “Liberté Chérie peut
prendre rang, parmi les L.: de l’obédience à dater de sa constitution qu’on peut fixer aux environs du 15 novembre 1943.
Jean Tytgat dont on pourrait éventuellement reconnaître l’initiation comme celle de Fernand Erauw, ayant été initié lui aussi à Esterwegen.
Je serais heureux de connaître les noms des FF.: qui ont appartenu à Liberté Chérie après mon départ en février 1944. (22 février 1944).
Soit Jean Tytgat un quatorzième nom et,de plus, il laisse supposer que d’autres noms pourraient être ajoutés à cette liste , sans toutefois préciser davantage.
Trente ans plus tard, en décembre 1975, dans les “Feuillets d’information du G.:O.:B.: le F.: Somerhausen retrace, selon ses souvenirs, l’épopée de la création de “Liberté Chérie”.
Il y donne les noms de 7 FF.:qui ont créé la L.: à la baraque 6 :
Paul Hanson - François Rochat - Jean Sugg -Amédée Miclotte
Jean De Schrijver - Henry Story et Luc Somerhausen.
A partir de ce moment, ce sont les seuls noms qui seront retenus comme fondateurs
de “Liberté Chérie” ?!?! Celui de Fernand Erauw sera ajouté comme nouvel initié
Il ajoute : “Des recherches entreprises après guerre il résulte que d’autres FFF.: que les 7, habitant la baraque 6 d’Esterwegen étaient détenus dans ce camp. Le fait qu’ils ne figurent pas parmi les fondateurs de la L.:Liberté Chérie et qu’ils n’étaient même pas connus par les 7 Maç.: résulte tout simplement de ce que, comme on l’a dit, tout contact était interdit entre les divers baraquements, sauf contacts exceptionnels et dangereux, exclusifs de tout entretien permettant une reconnaissance maç.:
Ultérieurement donc, il a été possible d’établir que se trouvaient au camp les FFF.:
Octave Tiquet - Guillaume Hannecart - Louis Schmidt - Herman De Clercq -
et Raymond Volkerick
-3- Ainsi , sur cette liste de noms des 7 fondateurs de Liberté Chérie, nous retrouvons ceux de 5 FFF.: qui figuraient déjà dans la lettre du 26 août 1945:
Paul Hanson - Franz Rochat - Jean Sugg - Amédée Miclotte et Luc Somerhausen.
Les noms de Jean-Baptiste De Schrijver et Henry Story apparaissent pour la première fois en 1975 et Guy Hannecart , qui était cité en 1945 ne figure pas parmi les 7 fondateurs.
Luc Somerhausen déclare que Guillaume Hannecart n’était pas à la baraque 6 !
Or, avec mes 3 compagnons de captivité libérés en 1945,- dès notre arrivée à la baraque 6, le 16 novembre 1943 et jusqu’au début de la dispersion en février 1944- nous avons bien connu l’avocat - poète et dramaturge Guy Hannecart , que nous avions appelé “L’Empereur à la barbe fleurie”.
Par contre, aucun de nous n’a connaissance du séjour de Jbste. De Schrijver et de Henry Story. Bien sûr, ils étaient Flamands et nous des handicapés linguistiques Wallons !!!
Néanmoins, en consultant leurs dossiers respectifs, j’ai pu m’assurer qu’ils avaient été Prisonniers politiques à Esterwegen..
Toutefois, ces deux grands résistants ont été arrêtés en septembre et octobre 1943 ils ont d’abord été internés dans les prisons belges de Gand, Leuven, Saint-Gilles et Breendonk. Jbste. De Schrijver est arrivé à Esterwegen le 7 février 1944, Henry Story le 18 mars 1944. Ils n’étaient donc pas présents à Esterwegen en novembre 1943 et à cette date, même avec Guy Hannecart , nous n’aurions plus que 6 Maîtres Maç.: à la baraque 6.
Ce n’est que tout récemment que nous avons appris qui était le 7ième.
Arrivé le 15 octobre 1943, 3 jours après Luc Somerhausen, le Dr. Joseph Degueldre médecin à Pépinster, avait été initié à la R.:L.: Le Travail à l’Or.: de Verviers en 1933.
Nous l’avons très bien connu à la baraque 6 dés le 16 novembre 1943 et à partir de ce moment nous ne l’avons plus quitté qu’après notre retour en Belgique.
Ensemble à Esterwegen et à Börgermore , puis à la prison d’Ichtershausen du 16 avril 1944
au 7 avril 1945 A cette date nous avons été évacués dans une “marche de la mort” et nous sommes évadés ensemble à Pösneck le 11 avril 1945.
Libérés par les troupes américaines le 15 avril et rapatriés en avion le 7 mai 1945.
Dans une planche présentée à la Loge “Les Amis Philanthropes” le 23 octobre 1982,
le F.: Fernand Erauw déclare : “A la suite d’un article publié dans les feuillets du G.O. en décembre 1975, certains FF.: se sont manifestés, dont un F.: Degueldre, un médecin de Verviers qui a dit : Moi aussi j’ai fait partie de Liberté Chérie”.
En conclusion il semble tout a fait probant d’affirmer que la L.: ayant été créée en novembre 1943 : les 7 fondateurs sont : Franz Rochat - Jean Sugg - Guy Hannecart - Paul Hanson -
Luc Somerhausen - Joseph Degueldre et Amédée Miclotte.
Jean-Baptiste Deschrijver et Henry Story sont 2 membres affiliés ultérieurement
Fernand Erauw est le seul initié à la R.:L.: Liberté Chérie peu avant le départ définitif de Luc Somerhausen le 22 février 1944.
Chronologie : - Lundi 7 février 44 arrivée de Jbste. De Schrijver
- Samedi 12 février 44 départ de J. Degueldre à Börgemore
- Dimanches 13 et 20 février 44 dernières tenues auxquelles participe Luc Somerhausen .Il y a donc toujours 7 M..M.. car - JBste. De Schrijver remplace J.Degueldre et est 2d. Surveillant.
lorsqu’on y procède à l’initiation de Fernand Erauw .
- Le mardi 22 février 1944 Luc Somerhausen quitte définitivement Esterwegen.
- Le 13 mars 44, J. Degueldre quitte Börgermor et revient à la baraque 6
- Le 15 mars 44, J.B. De Schrijver quitte Esterwegen.
- Le 18 mars Henri Story arrive à Esterwegen presque un mois après le départ de Somerhausen qui n’a donc pas pu l’y connaître à la baraque 6
- Dans les jours et les semaines qui suivent les autres partent avec de petits groupes vers des destinations diverses.
- 7 vont y trouver la mort :Franz Rochat-Jean Sugg-Paul Hanson-Guy Hannecart-
Amédée Miclotte-J.-Bste. De Schijver et Henry Story
- Joseph Degueldre-Luc Somerhausen et Fernand Erauw sont rapatriés en mai 45. -4-
L’influence supposée des prêtres catholiques.
Lorsqu’il arrive à la baraque 6 (le 12 octobre 1943), il découvre 4 F.’. M.’. qui sont à Esterwegen
depuis 4 mois et demi (mai 1943) et se sont regroupés à une même table constituant ainsi un “Cercle Fraternel”. Luc Somerhausen n’était donc pas présent au moment où s’est réalisé ce regroupement.
Plus de trente ans plus tard, lorsqu’il essaye de retracer les circonstances et conditions de création
de la Loge Liberté Chérie à la demande du secrétaire permanent du G.’.O.’., il s’interroge et émet une hypothèse : “Il serait bien difficile aujourd’hui - trente ans après les faits - de dire si c’est la ferveur religieuse des prêtres qui a conduit les Maç.’. à se rapprocher toujours est-il qu’au hasard des conversations quelques FFF.’. s’étaient déjà retrouvés et dûment reconnus.
(Cf. Les Feuillets d’Informations du G.’.O.’.B.’.)
L’organisation de la garde pour surveiller les allées et venues des gardiens afin de donner l’alerte en cas de visite intempestive de l’ennemi existait elle aussi bien avant l’arrivée de Luc Somerhausen.
Elle n’était d’ailleurs pas le fait de la seule baraque 6 - le même système se retrouvait dans
toutes les baraques. et fonctionnait de manière permanente donc pas uniquement le dimanche matin.
Toutefois pendant la messe, qui se tenait au dortoir, l’unijambiste liégeois François s’installait
près de la porte de communication entre le réfectoire et le dortoir et était prêt à intervenir pour répercuter
le signal “22" dans le dortoir pour avertir ceux qui étaient à la messe.
Pendant ce temps là, en même temps, les FFF.’. profitaient de l’absence des catholiques pour s’installer à une des tables délaissées et y tenir leurs travaux en toute discrétion.
Ces travaux étaient donc normalement couverts par la garde permanente et il n’était pas nécessaire
de demander l’aide des catholiques d’autant plus que ceux -ci étaient au même moment occupés à la messe.
La garde permanente était assurée par les “non-croyants” “non-Maç.’.” qui à partir de novembre 43
étaient trois fois plus nombreux que les FFF.’.(12 membres du R.N.J. - 7 F.T.P. Français - 4/5 P.A.Liègeois
le chef de baraque Ephrem Van den Eede, François l’unijambiste,...)
FranzBridoux
3/04/2009
Histoire d'une Loge dans un camp de concentration : LIBERTE CHERIE
HISTOIRE D’UNE LOGE DANS UN CAMP DE CONCENTRATION
LIBERTE CHERIE
Sujet : Je fais suivre comme demande par un F*Mes amisJe vous laisse prendre connaissance, c'est très émouvant.Les photos sont accessibles sur Wikipedia (lien en fin de message)A l'heure ou renaît une nouvelle forme de totalitarisme, il est bon de se souvenir de FF.°. Qui ont porté notre serment au delà des simples Mots.Souvenons nous !Voici des Hommes« Liberté chérie » est la seule loge maçonnique connue pour avoir fonctionné à l'intérieur d'un camp de concentration nazi pendant la Seconde Guerre mondiale.Monument dans le camp de concentration d'EsterwegenDétail du monumentSommaire1 La loge2 Les membres de la loge3 Le monumentLa logeLe 15 novembre 1943, sept francs-maçons belges déportés pour faits de résistance fondèrent la loge maçonnique Liberté Chérie dans le baraquement n°6 du Camp de concentration Emslandlager VII d'Esterwegen. Le nom de la loge fut choisi d'après les paroles duchant La Marseillaise.Ses sept fondateurs étaient:Paul Hanson,Luc Somerhausen,Jean De Schrijver,Jean Sugg,Henry Story,Amédée Miclotte,Franz Rochat,Par la suite, ils initièrent, puis élevèrent jusqu'au troisième degré le Frère Fernand Erauw, un autre belge.Paul Hanson fut élu Vénérable Maître. Les Frères réunissaient la loge dans le baraquement n°6 autour d'une table qui était habituellement utilisée pour le tri des cartouches. Un prêtre catholique déporté avait accepté de faire le guet afin de protéger leurs réunions.Le baraquement n°6 était occupé par des prisonniers Nacht und Nebel ("nuit et brouillard") étrangers. Les camps d'Emslandlager étaient un ensemble de camps dont l'histoire est présentée dans l'exposition permanente du centre de documentation et d'information de Papenburg.Cet ensemble de quinze camps était établi près de la frontière avec les Pays-Bas et étaient administrés depuis Papenburg.Luc Somerhausen décrivit l'initiation d'Erauw et les autres cérémonies comme étant des plus simples. Ces cérémonies eurent lieu à l'une des tables au moyen d'un rituel extrêmement simplifié dont toutes les composantes furent expliquées au candidat afin que, par la suite, ilpuisse participer au travail de la loge. Elles furent protégées des regards des autres prisonniers et des surveillants par la communauté de prêtres catholiques qui était déportée dans le même baraquement.Il y avait plus d'une centaine de prisonniers dans le baraquement n°6, où ils étaient enfermés pratiquement 24 heures sur 24, n'ayant le droit de sortir qu'une demi-heure par jour, sous surveillance. Pendant toute la journée la moitié des prisonniers triait des cartouches etdes pièces de radios. L'autre moitié était contrainte de travailler dans des conditions effroyables dans les carrières de tourbe des environs. L'alimentation était si pauvre que les prisonniers perdaient en moyenne 4 kg chaque mois.Après la première tenue et l'admission du nouveau Frère, d'autres réunions thématiques furent organisées. L'une d'entre-elles fut dédiée au symbole du Grand Architecte de l'Univers, une autre à l'avenir de la Belgique et une autre à la place des femmes dans la franc-maçonnerie. Seuls Somerhausen et Erauw survécurent à la détention et la loge cessa ses travaux en 1944..Les membres de la logeLe Vénérable Maître de la loge, Paul Hanson fut transféré et mourut dans les ruines de sa prison, détruite par un raid allié sur Essen le 26 mars 1944.Jean Sugg et Franz Rochat appartenaient à la loge des "Amis philanthropes":Le docteur Franz Rochat, un professeur d'université, pharmacien et directeur d'un important laboratoire pharmaceutique était né le 10 mars 1908 à Saint-Gilles. Il travaillait clandestinement pour le journal de la résistance "la voix des belges". Il fut arrêté le 28 février 1942, fut transféré à Untermansfeld en avril 1944 et y mourut le 6 avril 1945.Jean Sugg était né le 8 septembre 1897 à Gand et était d'origine suisse-allemande. Il travaillait avec Franz Rochat dans la presse de la résistance, traduisant des textes allemands et suisses, et participa à différent journaux clandestins, dont "La Libre Belgique", "La Légion Noire", "Le Petit Belge" et "L'Anti Boche". Il mourut dans les camps le 8 février 1945.Le Dr. Amédée Miclotte était un professeur. Il était né le 20 décembre 1902 à Lahamaide et appartenait à la loge "Union et Progrès". Il fut aperçu pour la dernière fois en détention, le 8 février 1945.Jean De Schrijver était un colonel de l'armée belge. Il était né le 23 août 1893 à Alost. Il était membre de la loge "La Liberté" de Gand. Le 2 septembre 1943, il fut arrêté pour espionnage et possession d'armes. Il mourut en février 1945.Henry Story était né le 27 novembre 1897 à Gand. Il était membre de la loge "Le Septentrion" à Gand. Il mourut le 5 décembre 1944.Luc Somerhausen, un journaliste, était né le 26 août 1903, à Hoeilaart. Il fut arrêté le 28 Mai 1943 à [Bruxelles]]. Il appartenait à la loge "Action et Solidarité n°3" et fut Grand Secrétaire-adjointdu Grand Orient de Belgique.Fernand Erauw, {Assessor at the Audit Office??} et officier de réserve dans l'infanterie, était né le 29 janvier 1914 à Wemmel. Il fut arrêté le 4 août 1942 pour appartenance à l'Armée secrète. Il s'évada et fut repris en 1943.Les survivants Erauw and Somerhausen se retrouvèrent en 1944 dans le camp de concentration d'Oranienburg Sachsenhausen et restèrent à jamais inséparables par la suite. Au printemps 1945, ils participèrent à la "marche de la mort". Alors qu'Erauw mesurait 1,84m, il ne pesaitplus que 32 kg, le 21 mai 1945 à l'hôpital Saint-Pierre de Bruxelles.En août 1945, Luc Somerhausen envoya un rapport détaillé au Grand Maître du Grand Orient de Belgique dans lequel il relatait l'histoire de la loge "Liberté chérie". Il mourut en 1982, à l'âge de 79 ans. Le dernier témoin, Fernand Erauw, mourut à l'âge de 83 ans, en 1997.Le monumentUn monument, créé par l'architecte Jean De Salle, fut élevé par les francs-maçons belges et allemands le 13 novembre 2004. Il fait désormais partie de l'ensemble du mémorial d'Esterwegen. Wim Rütten, Grand Maître de la Fédération belge du Droit Humain déclara dans son discours : « Nous sommes assemblés ici aujourd'hui, dans ce cimetière d'Esterwegen, non pas pour prendre le deuil, mais pour exprimer publiquement une pensée libre : à la mémoire de nos Frères, les droits de l'Homme ne seront jamais oubliés !Transmis pour que cela ne s'éteigne pas !Les Images du Monument Souvenir sont accessibles sur Wikipedia à l'adresse:http://fr.wikipedia.org/wiki/Libert%C3%A9_ch%C3%A9rie_(loge_ma%C3%A7onnique)Fraternelles cordialitésJean-Georges
Bonjour à Toutes te tous,Suite à mon message du 30 décembre relatif à la Loge Liberté Chérie, je fais suivre un document signé du seul initié par cette loge:Chapitre I - "Liberté Chérie" à travers les années Pendant la période 1945-75, c'est le black-out complet, son souvenir n'existe pas et semble tout à fait occulté. Ainsi pendant trente ans on n'entendit rien, on ne vit rien, on n'écrivit rien, on ne dit rien, tout cela semble définitivement oublié. La sortie du tombeau, le déclenchement de l'intérêt soudain, se situent le 18 avril 1975, lorsque je reçois une lettre du CEDOM - Centre de documentation maçonnique - me disant ceci : "Plusieurs Frères souhaiteraient être documentés, de manière précise, sur l'activité maçonnique qui s'est développée pendant la guerre 1940-45 au Camp d'Esterwegen, au sein de la Loge "Liberté Chérie". Pouvez-vous nous fournir de précieux renseignements, vous souvenez-vous du nom des Frères et que sont-ils devenus, quelles étaient les activités en Loge, etc ... ?". J'en parle à l' époque à l'unique survivant des sept fondateurs de "Liberté Chérie", notre Frères Luc S. Nous nous sommes réparti les tâches: par mes attaches administratives avec le Ministère de la Reconstruction, je réunis toute la documentation possible. Luc rédige l'article sur "Liberté Chérie" qui paraîtra dans les feuillets d'information du G.O.B. , en décembre 1975 sous le numéro 73 et sous le titre : "Une Loge belge dans un camp de concentration". C'était à l'occasion du 30ème anniversaire de la libération des prisons et des camps de concentration nazis. Luc S. rejoignit, il y a plus de dix ans - 5 avril 1982 - l'Orient Eternel. C'est alors que je pris, moralement, sa succession et sortis de l'ombre m'inspirant d'un passage du "Chant des Partisans": "Ami, si tu tombes un ami sors de l'ombre à ta place". Depuis lors j'ai narré, de temps à autre , en français ou en néerlandais, au G.O.B. , au D.H. ou à la G.L.B. l'odyssée de "Liberté Chérie". Ce sujet, à l'approche du 50ème anniversaire de la libération du pays en 1944 et de la libération des prisons et des camps en 1945, connaît un regain d'intéret et d'actualité. Après déroulement normal de la vie, il rejoindra l'Orient de l'oubli éternel ! Un des moments forts de cette narration fut certainement le 10 mai 1986, date choisie, où je fus convié par la Loge "Fraternité", première Loge créée après guerre, ayant groupé bon nombre de résistants, à participer à une cérémonie commémorative ayant comme thème "La Franc-Maçonnerie dans la résistance" où prirent la parole, outre le S.G.M. N. Sylvain L. et le Vénérable Maître de la Loge le Frère Willem V., le Frère José G. ("Le Libre Examen"), historien et chercheur au Centre d'Histoire de la deuxième guerre mondiale dont il est actuellement le directeur. Il parla de "l'occupant et la Franc-Maçonnerie. " Le Frère Henri N. ("ACSO 3"), ancien professeur à l'U.L.B., résistant et un des fondateurs et dirigeants du "Groupe G", c'est-à-dire "Groupe général de sabotage de Belgique", nous décrivit les activités de ce mouvement de résistance. ll publia, quelques mois après, un livre sur la Résistance intitulé : "Avant qu'il ne soit trop tard, titre prémonitoire s'il en est puisqu il devait, moins d'un an après cette publication, rejoindre lui aussi, l'Orient Eternel ! J'étais le troisième orateur et narrai, en néerlandais - équilibre linguistique oblige - l'odyssée de "Liberté Chérie". "Fraternité" édita, conjointement avec le G.O.B., une plaquette de cette séance sous le titre de "La Franc-Maçonnerie et la Résistance 1940-45". Chapitre II - Le camp de concentration d'Esterwegen Ce camp se situe en Frise orientale dans une zone de tourbières et de marais, plus ou moins à hauteur de la ville hollandaise de Groningen et de la ville allemande d'Oldenburg, non loin de la ville de Brême, à une vingtaine de kilomètres de la frontière des Pays-Bas. Ce camp de concentration est l'un des tout premiers camps nazis. Il y en a sept dans la région autour du centre qui est la petite ville de Papenburg. De 1933 à 1939, il sera dirigé par les SS. Y sont internés les opposants au régime. Ils travaillent dans les tourbières, ils s'appellent "die Maursoldaten" - les soldats des marais ou de la tourbe. Ils inspirent un chant qui sera celui des prisonniers politiques allemands; en français, ce chant s'intitulera : "Le Chant des Marais". Après 1939, l'administration du camp est confiée à l'administration pénitentiaire et les SS sont remplacés par des gardiens de prison : ce fut la chance de "Liberté Chérie". En décembre 1941, Hitler crée une nouvelle catégorie de détenus politiques de nationalité étrangère : les N.N. - en allemand "Nacht und Nebel" - Nuit et Brouillard c'est-à-dire séparé du monde, en état de mort civile : "Alles Sperr" ou coupé de tout : pas de colis, pas de correspondance, pas de renseignements, c'est-à-dire isolé s'il est en prison, et hors de tout contact avec l'extérieur. Sont classés dans cette catégorie ceux soupçonnés d'espionnage, d'activités révolutionnaires ou "terroristes", d'aide à l'ennemi - bien entendu les Alliés - de détention illégale d'armes, c'est-à-dire de résistants à l'ennemi. J'ai eu le plaisir et l'honneur d'être classé dans cette catégorie. Si des renseignements étaient demandés aux allemands au sujet de l'un ou l'autre N.N., la réponse était toujours identique, c'est-à-dire le néant : " aus Staatspolitzeilichen Grönden kann weder eine Auskunft öber seinen verbleib noch seinen gesund - heitszustand erteilt werden ". Esterwegen est un camp disciplinaire, un "strafgefangenlager" qui voit arriver plusieurs convois d'étrangers N.N. dans le courant de l'année 1943, venant de Belgique, du Nord de la France et des prisons de la Rhur - je viens, pour ma part de la prison de Bochum. Ils arrivent au camp et constitueront une population de 700 à 800 hommes, 90 % de Belges, 10 % de Français, de Hollandais, de Luxembourgeois et quelques autres étrangers. Il y a dans ce camp quatre particularités : 1- l'autorité dirigeante : ne sont pas des SS mais des gardiens de prison; 2 - tous des résistants arrêtés pour motifs patriotiques; 3 - une très grande majorité de Belges et, enfin, 4 - tous sont des N.N. Ceci explique la possibilité extraordinaire et tout de même hasardeuse, dangereuse mais unique, de la création en camp de concentration de la Loge "Liberté Chérie". Chapitre III - La création de " Liberté Chérie " Cette création eut été impensable et irréalisable dans un camp comme celui de Sachsenhausen où nous sommes dirigés par après. Pourquoi ? Parcequ'au niveau supérieur, la haute main sur le camp est uniquement entre les mains des SS, mais au niveau journalier, le camp est dirigé par les prisonniers eux-mêmes, arrêtés pour les motifs les plus divers et les moins recommandables : des criminels, des voleurs, des asociaux. Ils avaient, en pratique, l'administration du camp en mains avec un droit de vie et de mort sur les détenus sans devoir en référer à qui que ce soit, c'étaient ce que l'on appelle les "triangles verts", les "triangles noirs". ll y avait également les "triangles roses", les homosexuels et quelques uns, qui étaient des "heimatslos". Il existait une véritable lutte, au niveau allemand, entre les prisonniers de droit commun et les prisonniers politiques allemands pour s'approprier la suprématie dans la direction des camps. A signaler aussi l'attitude correcte et digne d'une secte, "les Témoins de Jehovah", qui étant contre la guerre refusaient le service militaire et étaient, de ce fait, la bête noire des SS. Dans ce camp toutes les nationalités étaient mêlées ainsi que tous les motifs d'arrestation, c'était, par conséquent, une véritable "Tour de Babel" où tout se centralisait. Revenons Esterwegen . L'aspect général du camp : ce sont des baraquements de part et d'autre d'une allée centrale, séparés par des fils barbelés. A droite se trouve le camp allemand, à gauche le camp pour les étrangers. Les baraquements ont trois divisions : à l'avant, une salle de séjour contenant des tables et des bancs, au milieu un grand dortoir avec châlits superposés et, à l'arrière, des robinets (le lavoir) et des toilettes collectives. Interdiction de sortir, simplement une petite promenade surveillée d'un quart d'heure par jour. C'est dans un de ces baraquements, notamment la "baracke zeks" - n° 6 - que fut créée "Liberté Chérie". La population de cette baraque constituait un véritable échantillonnage : toutes les professions, toutes les classes sociales, des prêtres. Ces prêtres, en semaine, étant à une table, disaient l'ordinaire de la messe, sans cérémonial ni communion. Le soir, les catholiques, dirigés par ces ecclésiastiques, psalmodiaient, à haute voix, des prières collectives et, le dimanche matin, ils se réunissaient dans la pièce centrale du bâtiment, le dortoir, pour y entendre célébrer la messe, exercice du culte qui était interdit. Les non catholiques et les non-croyants formaient une minorité et servaient de paravent et de tour de guet pour les croyants. Ils se tenaient dans la partie avant, la salle de séjour, jouxtant le chemin de ronde. En cas d'alerte, l'arrivée d'un gardien, l'un de nous se levait, allait vers le dortoir et criait "22" ajoutant le sobriquet du gardien, à ce moment, la messe était interrompue et tout le monde vaquait normalement à ses occupations. La grande question, le point d'interrogation est de savoir si la ferveur religieuse a conduit les Francs-maçons à se rapprocher : elle y a certainement aidé. Toujours est-il qu'au cours de conversations, des Maçons se reconnurent et, après quelques semaines ou quelques mois de tâtonnements, ils constatèrent qu'ils étaient sept, dans le même baraquement, à appartenir à l'Ordre et que cette appartenance ne faisait aucun doute. Il est utile, maintenant, de citer les noms de ces Frères fondateurs. Chapitre IV - Les fondateurs. Le premier c'est Paul H., né en 1889 à Liège, habitant cette ville. C'est le Juge de paix du canton de Louveigné-Grivegnée, il appartient à la Loge "Hiram" (à l'Orient de Liège). Il est arrêté dans cette ville le 20 avril 1942. Quelles sont les raisons de son arrestation ? Il existait la Corporation Nationale de l'Agriculture et de l'Alimentation - CNAA- d'ordre nouveau, qui avait été créée par les Allemands et à laquelle les cultivateurs devaient obligatoirement s'affilier et payer une cotisation; s'ils refusaient, ils étaient ou bien poursuivis ou on leur imposait une amende. Bon nombre d'entre eux ont refusé. Cette affaire est venue devant le Juge de paix H., les agriculteurs étant défendus par Me TSCHOFFEN, catholique et maître du Barreau de Liège. La presse asservie à l'occupant, des membres dirigeants de la CNAA et des gendarmes occupaient le prétoire afin de faire impression ou pression sur le juge qui devait prononcer son jugement quant à l'illégalité de la CNAA. La première réaction du juge fut de prier les gendarmes de quitter les lieux et d'annoncer que c'était lui le maître du prétoire et qu'il était le seul à y assurer l'ordre. Malgré toutes les pressions, H. maintint son point de vue et déclara illégale la décision de la CNAA. Immédiatement après le jugement, les Allemands vinrent en prélever un exemplaire au greffe de la justice de paix. Quelques semaines après, notre Frère H. est arrêté, peut-être pour cette raison-là, peut-être aussi parce que, faisant de la résistance, il aurait été dénoncé par un magistrat liégeois collaborateur. Son périple de captivité : Liège, Aix-la-Chapelle, Esterwegen, Essen. Il décède le 26 mars 1944 dans un bombardement de la ville d'Essen qui fit 200 victimes parmi les prisonniers. Après la guerre, une plaque commémorative a été apposée sur la façade de la Justice de paix qui servait en même temps de Maison communale à Louveigné-Grivegnée. Sur cette plaque est reproduit simplement le texte suivant : "Ici, le 13 mars 1942, le Juge H. a dit non aux volontés de l'occupant et a payé de sa vie son indépendance". Quant à son activité dans la résistance, il fut notamment cité en exemple pour les magistrats, tant de Belgique que de France et des Pays-Bas, par les radios des trois pays à Londres. Il fut cité à l'Ordre du Jour de l'armée française, avec attribution de la Croix de guerre, pour les services rendus au cours des opérations menées dans la clandestinité contre les troupes allemandes.Il fut le premier et l'unique Vénérable Maître de la Loge "Liberté Chérie". A cette occasion et par ce fait là , je fus appelé , lorsque notre Frère Nicolas B. était S.G.M.N. à accepter la charge de Gd. Insp. à la Loge "Hiram". Il s'agissait simplement d'un symbole, le seul initié de "Liberté Chérie" allant être Gd. Insp. à la Loge à laquelle appartenait notre Frère Paul H. . Le deuxième Frère, est Luc S., né à Hoeilaart en 1903 et habitant Bruxelles. Il était journaliste et, après guerre, allait devenir directeur du compte-rendu analytique du Sénat. Il appartenait à la Loge "Acso III". Il est arrêté le 28 mai 1943 pour activités au SGARA, c'est-à-dire la Sûreté de l'Etat. Son périple sera St Gilles, Essen, Esterwegen, Sachsenhausen - le commando Heinkel - puis la marche de la mort. Il sera libéré en même temps que moi à Crivitz, le 4 mai 1945. Nous fûmes rapatriés ensemble le 21 mai 1945 et c'est le seul survivant des sept fondateurs de "Liberté Chérie", il fut 1er Surv. de la Loge . Lors du bombardement du camp d'Oranienbourg, nous sommes amenés à déblayer les décombres, nous sommes évidemment entourés de SS qui veulent faire activer le travail. Malheureusement Luc S. ne s'aperçoit pas qu'un SS est dans ses parages alors qu'il ne travaillait pas. Ce SS lui envoie une formidable gifle en le traitant de "verfluchte Jude", ses lunettes volent très loin, je vais les ramasser et les lui restituer. C'est à ce moment là qu'on s'est reconnus et nous ne nous sommes plus quittés, nous avons fait la "marche de la mort" ensemble, nous sommes revenus en Belgique dans une camionnette de la Croix-Rouge au titre de "très handicapés". Nous avons, par après, fait partie de la même amicale, du même comité; celui de l'Amicale des Prisonniers Politiques de Sachsenhausen - Orianenbourg dont il fut, pendant une dizaine d'années le président et dont je suis toujours le trésorier. Chapitre IV - Les fondateurs (suite). Le troisième est le Frère Frans R., né à Saint-Gilles le 10 mars 1908, habitant Bruxelles. Il est docteur en sciences, pharmacien et lieutenant de réserve. Il appartient à la Loge "Les Amis Philanthropes". Il est directeur technique des Laboratoires Optima. Il sera arrêté le 28 février 1942. Son périple sera Saint-Gilles, Bochum, Esterwegen, la prison d'Untermansfeld. Il décède le 6 janvier 1945. Il est résistant ARA - c'est-à-dire Agent de Renseignement et d'Action - et il est mort de tuberculose et d'affection cardiaque. Il a été soupçonné d'espionnage et d'aide a l'ennemi, il s'est occupé de presse clandestine, notamment de "La Voix des Belges". Il avait le contact avec les imprimeurs de Molenbeek Léon L. et le fils Robert qui devint plus tard notre Frère .Notre Frère Frans R. fut secrétaire de la L:. "Liberté Chérie". Le quatrième Frère est DE S., Jean-Baptiste, né à Alost le 23 août 1893, habitant Woluwe St Lambert, il est colonel BEM. Il appartient à la Loge "La Liberté", Orient de Gand. Il est arrêté à Bruxelles le 2 septembre 1943 pour "Feindbegönstigung" - aide à l'ennemi. Son périple sera Louvain, Breendonk, Saint-Gilles, Essen, Gross-Strelitz, Gross-Rosen. Il fut jugé intransportable lors de l'évacuation de ce camp et décéda le 9 avril 1945 de pleurésie. Il fait partie de La "Légion belge" dès 1940, ce groupement deviendra l'A.S. - Armée Secrète. Soupçonné d'espionnage et de possession d'armes.Le Frère DE S. fut le 2d Surv. de "Liberté Chérie". Le cinquième Frère est Amédée M., né à Lahamaide le 20 décembre 1902 et domicilié à Forest-Bruxelles. Docteur en philosophie et lettres (U.L.B. ), il est professeur à l'Athénée Royal de Forest et appartient la Loge "Union et Progrès" fut 18ème. Il est arrêté le 29 octobre 1942. Chef de section au SRA (Service CONE), il est reconnu Adjudant ARA. Son périple sera Saint-Gilles, Essen, Esterwegen, Vught, Gross-Rozen où il décède le 8 février 1945. Il a été condamné par le tribunal de Donauwörth le 14 septembre 1944 pour espionnage à trois ans de travaux forcés. Cela ne changea rien à sa captivité.Il fut Orat. de "Liberté Chérie". Un fait particulier à mentionner : je parle devant la Loge du D.H. "Europa" en septembre 1992, le Frère P., qui fut mon collègue à l'Institut Supérieur de Commerce Lucien Cooremans, est 2d Surv. . Après ma planche une vive émotion l'étreint lorsqu'il prend la parole : il ne savait pas que son ancien professeur Amédée M. était maçon et ne savait pas non plus qu'il avait été un des fondateurs de la Loge "Liberté Chérie". Le sixième Frère est Henri S., né à Gand le 27 novembre 1897, habitant Gand; il est industriel, échevin de la Ville de Gand, directeur local d'une grande banque, je crois la S.G.B. En maçonnerie, il appartient à la Loge "Le Septentrion" à Gand. Il en fut Vénérable Maître et était 31ème. Il est arrêté le 22 octobre 1943. Son périple sera Belgique, Essen, Esterwegen, Gross-Rosen où il décède le 4 décembre 1944. ll est résistant par la presse clandestine (Service Socrate - Service Zéro - Service Luc). ll fut le contact du F.I. - Front de l'Indépendance - avec l'Angleterre via notre Frère Albert M. qui allait devenir, plus tard, directeur général du journal "Het Laatste Nieuws". Henri S. a été nommé, à titre posthume, par le Régent, en 1947, capitaine ARA avec effet au 1er août 1940. Le septième Frère est Jean S., né à Gand le 8 septembre 1897, habitant Bruxelles. Il est agent de vente, notamment de la Société de gélatine à Hasselt et Vilvorde. Il appartient à la Loge "Les Amis Philanthropes". Il est arrêté le 21 mars 1942. Son périple : Belgique, Bochum, Esterwegen, Gross-Strelitz, Buchenwald. Il décède à Katovice le 5 mai 1945. Il s'est occupé de presse clandestine : "La Libre Belgique", "La Légion Noire", "Le Petit Belge", "L'Anti-Boche", d'aide aux aviateurs, de fourniture d'argent et de timbres de ravitaillement à des réfractaires. Il est d'origine suisse, connaît parfaitement l'allemand, fut de ce fait notre interprète, homme de confiance au camp d'Esterwegen. Il a accès, au greffe c'est-à-dire que grâce à lui et grâce aux indications qui ont été données par les FF:. incarcérés, notre Frère S. a fouillé les bagages et a retrouvé le nécessaire pour réaliser un poste à galène, ce qui nous a permis, dans ce baraquement n°6 de connaître, parfois avant les Allemands, certaines nouvelles. Un fait particulier : en 1982, j'ai eu l'occasion de parler, avec d'autres, de "Liberté Chérie" aux "Amis Philanthropes". Cela se passait un samedi matin, dans l'assistance réservée aux Frères âgés, plusieurs m'ont dit qu'ils avaient très bien connu, avant guerre, notre Frère S. . Paul H.Luc S.Frans R.Jean-Baptiste DE S.Amédée M.Henri S.Jean S.Chapitre V - L'action de " Liberté Chérie " et son seul initié J'ai eu l'occasion de vous dire que Luc S. était le seul qui était revenu des sept fondateurs. Il est décédé le 5 avril 1982, dans quelques semaines il y aura déjà 11 ans. C'est lui qui, en réalité, prit l'initiative de la création de "Liberté Chérie" pour la bonne raison qu'il était particulièrement versé dans la procédure et les règles de formation des Loges parce qu'il était deputé au G.O.B. et membre de la Commission administrative en qualité de Gd. Secrét. Adj. . Les sept fondateurs se mirent d'accord sur des statuts très brefs. Ils firent exécuter un dessin par Fernand V. H. - ( Le Horn du journal "Le Soir"), dessin qui symbolisait la lutte pour la liberté pendant la captivité, dessin qui lui avait été demandé sans dire à quoi il devait servir. D'autre part, les Frères établirent des tracés de leurs premières réunions. Au moment où le camp fut évacué, tous ces documents, statuts, dessin et PV furent placés dans une boîte métallique qui fut enterrée dans les environs immédiats du baraquement de manière à pouvoir les retrouver. Nous avons eu l'occasion de revenir au camp en toute liberté en 1946, mais nous avons dû constater que les alentours du baraquement avaient été totalement retournés. Par conséquent, de ces éléments primordiaux pour l'historique de "Liberté Chérie" tout avait disparu. Des années après guerre j'ai eu l'occasion de rencontrer notre dessinateur Fernand V. H., de lui demander s'il se souvenait du dessin qu'il avait exécuté et s'il lui était possible de le refaire. Il m'a dit : "Ah! oui, il s'agit du dessin qui m'avait été demandé par les maçons en captivité". Contrairement à ce que l'on croyait, il était au courant du but de ce dessin. Il m'a promis de le refaire mais jusqu'ici, malheureusement, il ne s'est pas exécuté ... il ne faut pas désespérer ! Revenant à la documentation, notre Frère Luc S., lors de notre retour au pays, adressa, le 26 août 1945, un rapport détaillé sur les activités maçonniques à Esterwegen au S.G.M.N. de l'époque, notre Frère Léonce M.. Notre Frère Luc S., pourtant si méticuleux ne prit pas la précaution de prendre copie de ce document. Lorsqu'en 1975, afin de rassembler la documentation pour l'article dans les Feuillets du G.O.B. , il demanda à pouvoir consulter ce rapport, le document ne fut jamais retrouvé dans les archives du G.O.B. - il s'agit évidemment des archives d'après-guerre - c'était la deuxième source de documentation qui nous échappait. Lors du décès de Luc S., j'ai demandé à son fils, le jour même des funérailles de bien vouloir rechercher dans la documentation de son père le texte dont il se servait quand il parlait de " Liberté Chérie " soit au G.O.B. soit au D.H. . Aussi bizarre que la chose paraisse, le fils cherchant le document ne l'a jamais retrouvé ! C'était la troisième source de documentation qui disparaissait mystérieusement. La quatrième source : en 1992, j'ai eu l'occasion d'aller à Dréhance au D.H. à la Loge "La Voûte Etoilée" et d'y parler de "Liberté Chérie". L'ancien S.G.M.N. Nicolas B. était présent et m'a dit que je ne devais pas m'étonner de ne rien retrouver dans les archives du G.O.B. et me donna comme preuve que, dans le cadre du 150ème anniversaire du G.O.B. il avait recherché mon dossier pour y puiser éventuellement des informations relatives à "Liberté Chérie". Il dut, avec ahurissement, constater que ce dossier ne contenait rien au sujet de cette Loge ! Le seul initié. Luc S. narre les faits de la manière suivante dans cet article de 1975 : "Le camp d'Esterwegen est en grande partie évacué au cours des mois de mars/avril 1944 mais avant ce branle bas général il a eu, dit-il, l'occasion de participer activement à une cérémonie aussi simple que clandestine consistant en l'initiation du prof. Fernand ERAUW à qui il avait été proposé de se joindre aux fondateurs et qui avait accepté en parfaite connaissance de cause. Cette cérémonie eut lieu autour d'une table du réfectoire, selon un rituel simplifié à l'extrême mais dont chaque partie était expliquée au néophyte qui participa ensuite aux travaux de l'Atelier ". "Evidemment, dit-il, l'intéressé (c'était moi) ne pouvait pas savoir quelle était la valeur symbolique de la cérémonie clandestine dont il avait été le héros en captivité". Les membres de "Liberté Chérie" sont dispersés et orientés vers d'autres camps. Je suis acheminé vers le camp de Sachsenhausen - Oranienbourg situé à 30 km au nord de Berlin. Le 21 avril 1945, le camp est évacué et nous commençons notre "marche de la mort" qui va nous amener vers le Nord en direction de la Baltique. Nous accomplissons plus ou moins 200 km à pied en quinze jours. Normalement, le but était de nous pousser jusqu'à la Baltique elle-même, vers la baie de Lubeck où i1 y avait eu des prisonniers politiques qui avaient été embarqués sur des bateaux, notamment le "Cap Arcona " et le "Bismarck", bateaux qui avaient été bombardés entraînant la mort de tous les embarqués. On n'a pas pu établir s'il s'agissait de bombardements alliés ou effectués expressément par les Nazis. Nous sommes libérés le 4 mai, par les Russes, à Krivitz, dans une forêt près de la ville de Schwerin et, comble de l'ironie, nous sommes hébergés aimablement dans une caserne qui porte le nom d'Adolphe Hitler ! Chapitre VI - L'après-guerre et les tribulations de "Liberté Chérie" Comme j'ai eu l'occasion de vous le dire, le 26 août 1945, le Frère Luc S. adressait, en 1945, au S.G.M.N. de l'époque, Léonce M., un rapport détaillé sur les activités maçonniques à Esterwegen. Le 29 de ce même mois le S.G.M. répondait déjà qu'il chargeait immédiatement le secrétaire permanent d'accomplir les formalités nécessaires à l'enregistrement de l' Ill. et Resp. Loge "Liberté Chérie". Le 18 novembre 1945, la Commission Administrative et le G.O.B. discutent de la reconnaissance de cette Loge et, contre toute attente, ce ne fut pas l'unanimité immédiate et touchante. En effet, il faut croire que l'administration avait déjà repris la haute main, même au G.O.B. et cette administration fonctionnait comme s'il n'y avait pas eu de faits exceptionnels entre 1940 et 1945, et elle avait repris tous ses droits ! Nous glanons dans les documents de l'époque quelques interventions. Un Frère rappela que, dans certaines circonstances, il se forme des Loges temporaires qui sont les Loges militaires en campagne. Leur caractéristique est de fonctionner au moment où il n'y a aucune Obédience en exercice. Ce même Frère ajouta que, dans ces conditions, reconnaître cette Loge "Liberté Chérie" à titre posthume serait un précédent dangereux. Un autre Frère estima cependant qu'il fallait plus qu'une simple reconnaissance administrative et exprima le voeu qu'on accorda une reconnaissance officielle à "Liberté Chérie". Un troisième Frère exprima l'avis que si cette Loge prenait l'initiative de demander sa reconnaissance, le fait de ne pas la lui accorder serait une attitude désobligeante à son égard. En fin de discussion, le G.M. proposa de voter sur la proclamation de l'existence régulière de cette Loge et après discussion et contre toute attente la proposition fut adoptée à l'unanimité moins deux abstentions. C'étaient des Frères délégués de "Prométhée" qui défendirent l'idée que la Loge dès l'instant où elle était composée de Frères régulièrement initiés n'avait pas besoin de reconnaissance pour exister officiellement. Ils voulaient, par là, montrer que tout ce qui avait été fait à cet égard au camp d'Esterwegen avait été parfaitement régulier, initiation comprise, et ne devait donc recevoir aucune ratification. Ainsi donc, quoique reconnue par le G.O.B. en 1945, "Liberté Chérie" ne fut jamais reprise dans la liste des Loges établie par ce même G.O. . Un fait nouveau allait se produire plus de 40 ans plus tard ! Je vous ai parlé de ce 10 mai 1986, date à laquelle je pris la parole avec d'autres Frères à la Loge "Fraternité". Quelques jours après, je reçus une lettre du V.M. de cette Loge Willem V. B. dans laquelle il s'étonnait que "Liberté Chérie" n'avait jamais été portée au tableau de l'Ordre et me fit part de son intention de prendre l'initiative de demander au G.O.B. de se prononcer à ce sujet. Je lui répondis affirmativement pour autant que le S.G.M.N. de l'époque, notre Frère Sylvain L. marque son accord. Puisque je le rencontrais tous les vendredis matin à la V.U.B. où il professait notamment le cours de Finances publiques et moi celui de Droit budgétaire, je lui ai posé la question et il m'a répondu qu'il n'y avait aucun obstacle. Et nous en arrivons ainsi à constater que, le 22 octobre 1987 - nous venons du 10 mai 1986 - à l'unanimité des 249 votants, le G.O.B. se prononce pour la reconnaissance officielle disant que : "le temps était venu de donner à la reconnaissance de "Liberté Chérie" un sens plus symbolique qu'administratif et il est décidé d'insérer "Liberté Chérie" sans n° entre le n° 28 et le n° 30 des Loges . Et cependant, j'ai sous les yeux la liste des Loges de l'Obédience établie en juin 1988 : il y a la Loge n° 28 "De Zwijger" Oost. Gent, créée en 1945, la Loge n° 30 "Fraternité" Orient de Bruxelles, créée en 1946, mais il n'y a rien entre les deux ! Je le fais remarquer ... cela sera rectifié par une nouvelle liste établie en décembre 1989, mais elle est mal rectifiée car on met "Liberté Chérie" au n° 29 alors qu'il avait été décidé deux ans plus tôt de ne pas lui attribuer de n° , avec raison d'ailleurs puisqu'en réalité le n° 29 appartenait à la Loge "Simon Stevin" Orient d'Ostende qui était passée à la G.L.B. lors de la scission mais qui, de tradition, conserve son n° au cas ou souhaitant revenir au G.O.B. elle reçoit à nouveau son n° 29. J'ai fait remarquer que, par conséquent, il fallait re-rectifier ce qui n'est toujours pas intervenu mais pourrait l'être sous peu ... Chapitre VII - Conclusion. Je ne pouvais me soustraire au devoir de vous parler de "Liberté Chérie" même si je n'en ai été qu'un témoin extérieur puisque je n'ai pu vivre son existence que brièvement et dans des circonstances très particulières.C'est en hommage aux Frères de "Liberté Chérie" que je parle : Ils ont fait ce qu'ils devaient ... Ils se sont courroucés contre l'iniquité qu'étaient le nazisme et la captivité Ils ont élevé leur voix avec force pour détruire ces maux et reconquérir la liberté ... et ils ont agi en essayant de faire le bien pour travailler au bonheur de l'humanité ! Il nous appartient de traquer, sans relâche, toutes les formes d'oppression, toutes les formes de négation de la valeur de l'être humain, toutes les lâchetés, tous les racismes, tous les fascismes, tous les totalitarismes, tous les alarmismes. Il faut sortir de cette caverne médiévale où despotisme, fanatisme, intégrisme, dogmatisme, c'est-à-dire toutes ces formes en "isme" qui font souffler sur la planète un sentiment de haine et un vent de vengeance. La tolérance se porte mal et les intolérables se portent bien ! Il faut réactualiser l'espoir et le respect de l'autre. Nous nous trouvons dans une zone de turbulence, au début d'une ère d'incertitude, vers la re-méconnaissance des valeurs humaines les plus élémentaires, vers la négation du droit et le triomphe de la force brutale. La grave question qui s'est posée naguère : devais-je être simplement affilié ou ré initié, s'estompe avec le temps, je n'en ai jamais souffert, cela ne m'a jamais déprimé. Et je puis, si je me sentais isolé, trouver une consolation dans un illustre exemple, celui de notre Frère Charles DE COSTER qui, dans son incomparable légende de Thijl Ulenspiegel et de Lamme Goedzak, présente Ulenspiegel comme le chantre de la liberté et nous raconte comment il fut baptisé six fois ! Je ne suis donc, dans ce domaine, qu'un être insignifiant n'ayant été, pour ma part et tout au plus, qu'initié deux fois ! En conclusion, vous me permettrez de garder fidèlement et de conserver au plus profond de mon coeur, en souvenir de "Liberté Chérie", en une petite pelouse d'honneur symbolique, le nom des sept Frères fondateurs de cette Loge qui, tous, ont rejoint l'Orient Eternel. Et dont ...... je fus, je suis et je resterai le seul initié ! Et je terminerai par une profession de foi en l'avenir et en l'optimisme en vous remémorant quelques vers d'Aragon, extraits de la " Ballade de celui qui chanta dans les supplices "" Et si c'était à refaire" Je referais ce chemin" La voix qui monte des fers" Parle aux hommes de demain "Fernand ERAUW.Février 1993.
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