De l’Ill\ et R\L\ LIBERTE CHERIE
Noël … Nouvel an 1943 à ESTERWEGEN
Fernand Van Horen (Horn) raconte avec talent la veillée de Noel 1943 à Esterwegen (Google : Noel à Esterwegen).Il termine son récit : « Ceux qui ont la chance de pouvoir encore raconter leurs impressions à ce sujet, songeront avec émotions à cette nuit d’Esterwegen, nuit d’espérance, qui restera pour eux un de leurs plus beaux Noel ».
Soixante-cinq ans plus tard, j’ai cette chance mais pour moi ce Noël me rappelle des moments les plus pénibles d’une captivité « nacht und nebel » qui allait se poursuivre encore 17 mois.
Je gardais des séquelles des coups reçus lors des interrogatoires ''musclés'' subis à la Gestapo et, dans la seconde quinzaine de décembre 43, je commence à ressentir des douleurs dans l’oreille.
Le docteur Degueldre, notre compagnon de captivité à la baraque 6, diagnostique une otite Malheureusement, nous n’avons absolument rien pour soigner ou atténuer la douleur. Aussi, dans les jours qui suivent, je souffre de plus en plus et l’abcès se développe démesurément. Le médecin prévoit une méningite et en l’absence de tout traitement elle risque d’être rapidement mortelle. Il faut me transférer au « Revier Nord » où se trouvent les instruments chirurgicaux et percer l’abcès.
Comme nous sommes à deux jours de la Noël, je ne serai admis au « Revier » que le lundi 27 décembre. En attendant, je suis autorisé, à titre tout à fait exceptionnel, à rester au lit dans la journée ; ce qui est « strict verboten ».
Ecrasé de douleur je ne m’alimente plus et, à partir du 23 décembre, je gis sur une paillasse au milieu du dortoir plus ou moins dissimulé par les autres lits qui m’entourent.
Le lendemain et surlendemain l’on fête Noël à la 6, comme l’a si bien décrit Horn et, j’engage mes compagnons à se partager mes maigres rations alimentaires que je ne parviens plus à absorber.
Pratiquement inconscient, je reste dans le dortoir jusqu’au lundi 27, jour de mon admission au Revier Nord. J’y suis accueilli par le docteur Cappeliez qui se rallie à l’avis du docteur Degueldre et décide de percer l’abcès. Mais il faut obtenir l’autorisation du ‘’Fou’’(le gardien aspirant infirmier) qui a la haute main sur tout ce qui se passe dans la baraque et tient les instruments chirurgicaux sous clé.
Lorsque le docteur Cappeliez explique la situation et propose l’intervention, le Fou refuse avec mépris « Laisses-le, il va crever ! ».
Je suis donc installé sur le premier lit, juste à côté de la porte d’entrée. Sans doute pour être plus facilement évacué le moment venu… Sans aucun soin il semble évident que cela ne tardera pas…
Dans la baraque 9 transformée en « hôpital » les lits étaient disposés en deux doubles rangées de part et d’autre de l’allée centrale. A la tête du mien, le lit voisin était occupé par un résistant français très âgé et devenu tout à fait sénile. A côté de moi, séparé par un espace de 50 centimètres, un résistant ardennais vit ses derniers jours.
Pour moi, l’année s’achève en un lent crescendo de souffrance… La nuit du 31 décembre sera terrible. Mon voisin agonise et, assis sur un tabouret collé entre nos deux lits, l’Abbé Froidure prie à son chevet. Quelques heures après le couvre-feu, le silence s’installe peu à peu…
Tout à coup, dans l’obscurité totale, l’on entonne La Marseillaise à pleine voix. C’est mon autre voisin, le vieux résistant français, « au garde-à-vous » près de son lit, à deux mètre de moi. Si le gardien-chef du « Revier », (le Fou), est réveillé, il va le massacrer…Quelques camarades se précipitent, et réinstallent le malheureux dans son lit.
Des gémissements et manifestations des cauchemars troublent le silence relatif qui se rétabli peu à peu…
Une heure ou deux plus tard, nouveau branle-bas. Le vieux fermier récidive mais cette fois, il ne chante plus mais s’attaque à son voisin et tente de l’étrangler. L’on se précipite à nouveau pour le calmer et chacun essaye de surmonter ses douleurs pour retrouver le sommeil interrompu brutalement. Sur son tabouret collé à mon lit, l’abbé Froidure est toujours en prières au chevet de l’agonisant.
La nuit s’achève péniblement… A l’aube je suis réveillé par une douleur aigüe qui s’apaise tout à coup. L’abcès vient de percer tout seul, mon oreiller est plein de sang et de pus. Je suis soulagé et, tout au moins provisoirement sauvé…
A coté de moi je ne retrouve pas l’Abbé Froidure et mon voisin à disparu…
Je me lève et m’approche de l’évier pour me laver la figure. Je dois enjamber le cadavre qui gît complètement nu, à son orteil un bout de papier avec un numéro de 4 chiffres…
Nous sommes le 1ier. Janvier 1944, ce ‘’Jour de l’an’’ est aussi celui de mon 20ième anniversaire ……
Franz Bridoux (2009)
Liberté Chérie ?
Luc Somerhausen , principal artisan de la fondation de la loge 'LIBERTE CHERIE' à Esterwegen, n’a jamais révélé ce qui l’avait amené à choisir ce nom . Sans doute ce choix lui paraissait-il évident pour ceux qui subissaient une terrible captivité dans ce camp de la mort lente.
Die Moorsoldaten
Parmi les N.N. de la baraque 6 à Esterwegen quelques anciens scouts ou membres d’autres organisations de jeunesse évoquent avec nostalgie les veillées autour du feu de camp. Souvent, l’un ou l’autre commence à chanter suivi bientôt par ses compagnons auxquels d’autres viennent se joindre peu à peu. La chorale improvisée compte quelques participants très appréciés comme le Liégeois Henri Merland chanteur d’opéra, le jeune F.T.P. Français Pol Lavoine, ancien animateur accompagné à l’accordéon dans les bals de guinguettes du Nord-Pas-de-Calais ; mais aussi le docteur Degueldre qui a régulièrement son petit succès en interprétant « Le Chameau s’en fout » ou l’une de ses inénarrables blagues de carabins comme sa fameuse « Tirade du pet ».
Mais c’est tout de même Joseph Berman qui récolte tous les suffrages en lançant « Le Chant des Marais » qu’il connaît par sa participation antérieure aux mouvements de jeunesse Juifs. Il nous apprend la chanson et nous nous joignons à lui tandis que d’autres groupes de chanteurs se forment aux tables voisines.
Nous avons remarqué deux interprétations différentes du quatrième couplet.
Tandis que nous chantons :
Mais un jour dans notre vie, le printemps refleurira
Liberté, LIBERTE CHERIE, je dirai tu es à moi.
L’autre groupe chante : Patrie, O ma patrie, je dirai tu es à moi.
Ce choix est significatif de l’engagement des deux grandes tendances de la résistance en Belgique : l’une menant surtout un combat national, l’autre donnant la priorité à la lutte contre les ‘’Nazis’’.,
Nous sommes tous des résistants et nous nous apprécions comme tels mais nous aimons à clamer notre aspiration première en haussant la voix et en scandant plus notre chant lorsque nous arrivons à ce passage de la chanson.
C’est une sorte de « jeu-défit » auquel participent nos voisins de tables les Frères Paul Hanson-Luc Somerhausen-Franz Rochat-Jean Sugg-Guy Hannecart-Joseph Degueldre et Amédée Miclotte.
Sans doute les fondateurs de l’Illustre et Respectable Loge LIBERTE CHERIE n’ont-ils pas cherché plus loin pour lui trouver un nom…
Franz Bridoux.
Le Chant des Marais
1 Loin dans l'infini s'étendent
De grands prés marécageux
Oh ! Terre de détresse
Pas un seul oiseau ne chante
Où nous devons sans cesse
Sur les arbres secs et creux
Refrain
Piocher, piocher.
2 Dans ce camp morne et sauvage
Entouré d'un mur de fer
Oh ! Terre enfin libre
Il nous semble vivre en cage
Où nous pourrons revivre
Au milieu d'un grand désert
Dernier refrain
Aimer, Aimer
3 Bruit des pas et bruit des armes
Sentinelles jours et nuits
Et du sang, des cris, des larmes
La mort pour celui qui fuit
4 Mais un jour dans notre vie
Le printemps refleurira
Liberté, Liberté Chérie
Je dirai tu es à moi
Franz BRIDOUX - franzbridoux@skynet.be
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