Le coup d'épingle d'Etienne Perrot sj
S’il fallait une preuve de la
diversité des obédiences maçonniques et des positions de l’Église catholique
romaine face à la Franc-Maçonnerie, il suffirait de comparer d’un côté
l’interview de Dominique Alain Freymond, président de la Grande Loge suisse
Alpina (Le Temps du vendredi 20 octobre 2017), d’autre part l’ouvrage
-qui vient d’être traduit en français- d’Angela Pellicciari Les Papes
et la Franc-Maçonnerie, une opposition séculaire. À l’occasion de la parution de la
toute nouvelle édition du Guise suisse du Franc-Maçon, Dominique Alain
Freymond montre une ouverture d’esprit étrangère à certaines Obédiences
françaises -je pense notamment au Grand Orient de France dont
l’anticléricalisme légitime se colore souvent d’une militance antireligieuse
inacceptable.
C’est la raison pour laquelle j’épingle la réponse du
président d’Alpina à la question du journaliste: «Les relations entre les
Églises chrétiennes et la franc-maçonnerie sont-elles toujours aussi
orageuses?» Il faudrait déjà distinguer entre l’Église catholique romaine
-réticente, c’est le moins qu’on puisse dire- et les Églises protestantes. La
Franc-Maçonnerie doit beaucoup à la tradition réformée et à ses pasteurs.
D’autre part, la réponse donnée appelle un complément d’information. Dominique
Alain Freymond évoque d’emblée l’affaire du Père Pascal Vesin, curé de Megève,
démis de ses fonctions en mai 2013, pour avoir finalement reconnu, devant
l’évidence, appartenir au Grand Orient de France.
J’ajoute un sou dans la musique. Tant que l’Église
catholique romaine mettra dans le même sac les Loges qui militent contre
l’Église et les autres Loges, les catholiques pratiquants adhérents aux Loges
dites Régulières qui, dans l’esprit d’Alpina, ne militent pas contre l’Église,
se sentiront injustement rejetés. Cette distinction entre Loges selon leur
attitude face à la religion était pourtant celle du Cardinal Lustiger,
archevêque de Paris, de Monseigneur Thomas, évêque de Versailles et du Cardinal
Seper, préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la foi. Ce n’était pas la
position de son successeur, le cardinal Ratzinger devenu le pape Benoît XVI.
Comme le rappelle le Président d’Alpina, la vie
spirituelle n’est pas le monopole de l’Église catholique. Je ne vois pas
d’ailleurs pourquoi la spiritualité serait a priori étrangère aux Francs-Maçons
du Grand Orient de France. À mon sens, il ne manquerait pas grand-chose aux
trois principales valeurs portées par le Grand Orient pour devenir vecteurs
d’une spiritualité spécifiquement chrétienne: pousser le respect des autres et
de soi-même jusqu’à l’amour du prochain, la liberté de conscience jusqu’au
témoignage public de ses croyances et la tolérance mutuelle jusqu’au pardon.
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